Les personnes handicapées censurées du réseau social TikTok ? Malgré les apparences, cela n'a rien d'une « fake news ». Selon une étude publiée par le journal d'investigation The Intercept, l'application mobile de partage de vidéos aux 1,5 milliard de téléchargements aurait explicitement ordonné à ses équipes de modération d'utiliser un algorithme pour rechercher des utilisateurs avec une « forme de corps anormale », « des visages laids » ou « un gros ventre », afin de limiter leur exposition sur la plateforme. Autres directives : supprimer le contenu des personnes « moches, pauvres ou handicapées ». « Si l'apparence de l'utilisateur n'est pas bonne, la vidéo sera beaucoup moins attrayante, ne valant pas la peine d'être recommandée aux nouveaux utilisateurs », souligne le document.
Eviter le cyberharcèlement
Ce n'est pas la première fois que l'application la plus prisée des adolescents se retrouve sous le feu des critiques. Fin 2019, le blog allemand Netzpolitik, spécialisé dans la protection des données, avait fait le même constat. La raison évoquée reste inchangée : « Limiter les commentaires discriminatoires et éviter le cyberharcèlement ». Sous la pression, l'entreprise chinoise avait fini par assumer sa politique de modération douteuse notamment à l'encontre des personnes en situation de handicap, considérées comme « susceptibles d'être harcelées en raison de leur état physique ou mental ». Selon le media allemand, TikTokaurait mis en place une catégorie « Risque 4 » permettant de ne pas diffuser certaines vidéos en dehors de leur pays émetteur. Le hic ? Les modérateurs n'auraient que trente secondes pour décider du sort de la vidéo : « cible potentielle de harcèlement ou non ? ». Quant aux utilisateurs perçus comme particulièrement vulnérables, ils étaient tout bonnement masqués du fil d'actualité principal, les empêchant de dépasser les 10 000 vues et les condamnant ainsi à ne jamais connaître un succès viral.
Les rondeurs, un handicap ?
Selon les porte-parole de TikTok, « cette approche n'a jamais été une solution à long terme mais plutôt un moyen de gérer une tendance polémique ». « Même si notre intention était bonne, nous avons réalisé que ce n'était pas la bonne méthode », ont-ils finalement admis. Une décision arbitraire qui sanctionne les potentielles victimes et non leurs « bourreaux »... Récemment, c'est la chanteuse américaine, tout en rondeurs, Lizzo qui avait alerté sur la « grossophobie » de l'application, après la disparition d'une de ses vidéos en maillot de bain. Selon TikTok, il s'agit d'un simple quiproquo. Les responsables de la modération auraient, dans un premier temps, estimé que ses vidéos étaient trop osées, pensant qu'elle s'y montrait en sous-vêtements, avant de se raviser et de les republier après le coup de gueule de la chanteuse.
Dalila, une influenceuse à roulettes
A 22 ans, Dalila fait fi des discriminations et envoie valser les « trolls ». Atteinte de la maladie de Charcot, une pathologie neurodégénérative qui la cloue sur un fauteuil roulant, cette influenceuse démonte les clichés qui planent sur le handicap, via des vidéos drôles et dynamiques sur TikTok. En tête de liste : « L'idée reçue selon laquelle toutes les personnes en situation de handicap le vivent forcément mal », confie-t-elle au media Brut. « On peut vivre son handicap de manière très joyeuse, sans se victimiser », assure la jeune femme. Le principe de cette application est notamment de faire du playback sur des discours, des dialogues de film, des chansons tout en l'adaptant à sa situation personnelle... Dalibri, de son pseudo, adresse un message à tous les « validistes » et dénonce ceux qui ne « l'acceptent pas comme (elle) est », qui lui demandent « Pourquoi tu ris de ton handicap ? », la considèrent « inférieure ». Résultat : un « feed » positif et percutant 100 % authentique et 0 % misérabiliste, qui séduit ses (seulement ?) 21 000 abonnés.