Handicap.fr : Dans quel contexte la télémédecine est-elle apparue ?
Marie-Laure Saillard : Des expérimentations étaient en cours depuis plusieurs années, aussi bien dans les établissements spécialisés que chez les médecins libéraux. Certains appelaient, par exemple, leurs patients sur Skype, à titre gracieux. Problème : l'utilisation d'un réseau non protégé pouvait mettre en péril les données personnelles des patients. La télémédecine est donc une réponse cadrée à des situations qui existaient déjà mais n'étaient pas aux normes. Par ailleurs, des opérateurs pratiquaient déjà la téléconsultation dans le cadre d'agréments avec les ARS. C'est le cas de notre site qui a permis plus de 100 000 mises en relation entre des patients et des médecins depuis sa création en 2015.
H.fr : Le phénomène des déserts médicaux entre également en jeu…
MLS : Oui, il est en effet de plus en plus compliqué d'avoir accès à un médecin. La télémédecine, et plus globalement les nouvelles technologies, répondent partiellement à cette problématique. Cela évite de faire 1h30 de route pour consulter son médecin traitant et permet à plusieurs professionnels de santé de communiquer entre eux, grâce à un outil dématérialisé et sécurisé. La télémédecine répond donc également à une problématique organisationnelle.
H.fr : Les patients peuvent-ils faire une téléconsultation depuis leur domicile ?
MLS : Absolument, à condition de se connecter sur une plateforme sécurisée qui respecte les conditions posées par l'avenant 6 pour se faire rembourser par la Sécurité sociale. Seule contrainte, la visio nécessite un minimum de débit internet pour fonctionner.
H.fr : Techniquement, comment les patients règlent-ils leur consultation ?
MLS : Il y a plusieurs modalités et les usages vont probablement changer mais, depuis le 15 septembre, le fonctionnement est le suivant : le patient demande s'il peut bénéficier d'une téléconsultation au moment de prendre rendez-vous avec son médecin. Ce dernier prend sa décision en son âme et conscience, en fonction de la connaissance de son dossier. Il inscrit le rendez-vous dans l'interface prévue à cet effet, puis le paiement s'effectue par carte bancaire. L'émission d'une feuille de soins lui permet ensuite de se faire rembourser par la Sécurité sociale comme pour une consultation en présentiel.
H.fr : Et pour ceux qui sont en ALD (affection de longue durée) ?
MLS : Un circuit direct est mis en place avec l'Assurance maladie, ils n'ont donc pas à avancer les frais. Pas besoin non plus de passer leur carte vitale dans le lecteur. La télémédecine s'appuie sur le lien privilégié établi entre un patient et son médecin. Ils se connaissent bien et se font confiance.
H.fr : Qu'est-ce que cela va changer pour ceux qui font appel à des tiers ?
MLS : Pour l'instant, seules les téléconsultations avec le médecin traitant et avec un spécialiste en accès direct sont remboursées. La télé-expertise, le fait d'avoir recours à des tiers, sera prise en charge à partir de février 2019. En revanche, certains professionnels de santé comme les infirmières peuvent dès aujourd'hui assister le patient lors de la téléconsultation réalisée avec le médecin.
H.fr : Quelles spécialités sont remboursées ?
MS : Toutes les spécialités en accès direct (ndlr : sans passer par le médecin traitant) actuellement remboursées par l'Assurance maladie : ophtalmo, gynéco, psychiatrie...
H.fr : Les dépassements d'honoraire seront-ils toujours d'actualité ?
MS : Les pouvoirs publics considèrent la téléconsultation comme une consultation médicale normale. La tarification fonctionne donc exactement de la même manière.
H.fr : Comment réagissent les médecins face à cette opportunité ?
MS : Toutes les réactions possibles, en fonction de la situation géographique et des spécialités. Les médecins, familiers du concept, qui appelaient leurs patients sur Skype, sont absolument favorables à l'idée d'être monétisés et d'obtenir un cadre sécurisé. Les praticiens confrontés à des déserts médicaux y sont également sensibles. Et, face à eux, il y a les généralistes overbookés qui pensent que cette option ne leur permettra ni de gagner du temps ni de mieux accompagner leurs patients. Je pense qu'à partir du moment où l'on offre au médecin un cadre qui lui permet de travailler simplement et de se focaliser sur l'aspect médical, et non sur des tâches administratives, c'est déjà un bel apport.
H.fr : Serait-ce une question de génération ?
MS : En effet, la nouvelle génération est très favorable à la télémédecine car elle permet de travailler en réseau.
H.fr : Pour les personnes âgées qui se trouvent dans des déserts médicaux, c'est la double peine. Ils n'ont pas accès aux médecins et sont souvent mal équipés.
MS : Il est vrai que souvent, si l'on schématise un peu, les gens qui font face aux des déserts médicaux sont âgés et n'ont pas la fibre, ça devient donc compliqué de téléconsulter. Demain, ils auront la possibilité de le faire depuis une pharmacie (article en lien ci-dessous) ou une maison de santé et ainsi de bénéficier de l'aide d'une personne plus à l'aise avec les usages numériques.
H.fr : Combien de médecins sont référencés chez vous ?
MS : Depuis le 15 septembre, nous comptons quelques centaines de médecins. Mais cela va prendre du temps pour que l'ensemble des professionnels de santé de France s'inscrivent. La grande majorité commencera probablement à s'y mettre en fin d'année ou début 2019.
H.fr : Un médecin peut-il être référencé sur plusieurs plateformes ?
MS : Absolument, mais un seul outil est plus simple à gérer il me semble.
Consultation de télémédecine : tout comprendre !
C'est officiel, les téléconsultations sont remboursées par l'Assurance maladie depuis le 15 septembre 2018. Les plateformes fleurissent. Quel bénéfice en cas de handicap ? Point avec Marie-Laure Saillard, DG MesDocteurs.
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