Trop de diagnostics : des autistes qui n'en sont pas ?

Une étude canadienne observe une hausse des diagnostics d'autisme dans le monde liée à la dilution des critères qui se seraient ouverts "au-delà du bon sens"... Selon le Pr Mottron, une "machine folle" qu'il faut arrêter.

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Y aurait-il une hausse des diagnostics d'autisme à travers le monde ? Oui répond une étude menée au Canada par Laurent Mottron, qui parle même de « machine folle » qu'il faut arrêter. Ce psychiatrique au sein du département de psychiatrie et d'addictologie de l'Université de Montréal publie ses conclusions dans la très prestigieuse revue JAMA Psychiatry le 21 août 2019. Avec des chercheurs français et danois, il a passé au crible les données de 11 méta-analyses publiées entre 1966 et 2019 et portant sur près de 23 000 personnes autistes.

Une véritable épidémie ?

Ses conclusions ? Le diagnostic d'autisme a tellement dérivé depuis 50 ans qu'il se fait maintenant sur la base de signes de moins en moins marqués, avec, pour conséquences, l'impression que ce trouble est devenu « épidémique ». « On dit que c'est un autiste parce qu'il n'a pas beaucoup d'amis ou alors qu'il n'aime pas qu'on lui coupe les cheveux ou alors que les étiquettes le gênent… », explique le chercheur. Il poursuit : « Actuellement, dans les classes de TSA (troubles du spectre de l'autisme), vous avez probablement un enfant sur deux qui ne justifie pas ce diagnostic ». Selon le Pr Mottron, si la tendance se maintient, on ne sera plus capable de trouver la moindre différence objectivable d'ici cinq à dix ans entre autistes et la population générale, au risque de perdre le « signal de l'autisme ». Les critères se seraient « ouverts au-delà du bon sens », face à des « formes atténuées ». Or le chercheur réclame de ne pas confondre « traits autistiques » et « autisme ».

Le nombre de personnes diagnostiquées autistes serait en effet en nette progression partout dans le monde. Aux États-Unis, sa prévalence est passée de 0,05 % en 1966 à plus de 2% aujourd'hui. Le chercheur a comparé ses résultats avec ceux de la schizophrénie ; il n'y a pas d'augmentation de la prévalence de cette maladie psychique dans la population, et la tendance est même plutôt à l'augmentation de l'ampleur de l'effet entre schizophrènes et non-schizophrènes.

Question de services

Selon ce chercheur en santé mentale, cette hausse serait due au fait que le diagnostic d'autisme est lié à l'octroi de services, notamment au sein de l'école ou dans l'emploi. « Si vous avez une maladie qui n'a pas de nom, c'est extrêmement difficile d'avoir des services », assure-t-il. Selon lui, certains établissements feraient pression sur les médecins pour obtenir le diagnostic afin de pouvoir débloquer les budgets auxquels ils peuvent prétendre. Le constat serait identique du côté de certains parents qui affirment que « leur enfant a tous les critères ». Selon lui, cette dilution se fait au détriment des « autistes purs et durs », qui nécessitent parfois des prises en charge très denses.  

Point de vue français

« Nous vivons déjà en France les effets de cette dilatation du spectre, conséquence d'un élargissement excessif des critères, confirme du côté français Vincent Dennery, président d'AVA (Agir et vivre l'autisme), membre du Collectif Autisme. Il a pour effet une considérable perte de repères de toutes les parties prenantes, et un début de déchirement de la communauté ». Comment en effet comprendre, penser, construire des réponses à l'autisme si, sous ce même vocable, on regroupe des réalités incroyablement différentes ? Selon Vincent Dennery, « si le Pr Mottron s'est montré excessif dans ses positions sur les approches recommandées en matière d'autisme, cette étude sur les risques de la « diminution des différences » entre autisme et normalité est à regarder attentivement. Il ne nous appartient pas, en revanche, de juger sur ce qui est ou non du champ du handicap ou de jouer la corde de la 'différence'. Ce qui se joue, à mon sens, ici, est celui de la cohérence et de l'efficacité des réponses apportées aux personnes autistes. »

Quant au Pr Mottron, il espère que sa méta-analyse contribuera à modifier les critères de l'autisme dans la prochaine édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM).

© Stocklib / Katarzyna BiaÅasiewicz

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