Hadrien, 14 ans, ne prenait aucun plaisir à aller à l'école, bien au contraire... Autiste, il a aussi un TDAH (trouble de l'attention avec ou sans hyperactivité), une dysgraphie sévère, de l'anxiété, des troubles du sommeil et une grande fatigabilité. Après une matinée de cours, « il avait parfois besoin de s'enfermer seul dans le noir des heures durant. A 17h, il était littéralement lessivé », confie sa mère, Ana Duran. Ses parents ont tout essayé : AESH (accompagnant d'élève en situation de handicap), auxiliaire privée, école à distance... En vain. Hadrien sombre dans l'anorexie et commence à se scarifier. « Votre école chez vous (VECV) l'a sauvé », se réjouit sa mère. Cette association propose une scolarisation à domicile des enfants et adolescents malades ou en situation de handicap, de la maternelle à la terminale, afin d'éviter leur exclusion. Malgré les progrès accomplis depuis 2005, certains ne trouvent en effet pas dans l'école « ordinaire » de solution adaptée à leurs besoins particuliers (vidéo ci-contre). Un dispositif « malheureusement » unique, regrettent les parents.
Les institutions, pas la bonne option
« Hadrien a de bonnes capacités intellectuelles, de logique et de compréhension mais éprouve des difficultés à s'exprimer et a du mal à décrypter les émotions. C'est une véritable éponge, il prend tout personnellement et n'a pas la capacité à relativiser », explique sa mère. Il peine également à gérer le bruit, le mouvement, son environnement, son corps « et panique lorsqu'il n'arrive pas à prévoir ce qui va se passer ». Mais alors où scolariser ces enfants « hors normes » ? En IME (Institut médico-éducatif), Ulis (Unité localisée pour l'inclusion scolaire) ? « Les institutions ne sont pas adaptées à ceux qui n'ont pas de retard intellectuel, ce n'est pas assez enrichissant et cela peut même accentuer les troubles du comportement », rétorque Ana Duran. Selon elle, plusieurs Ulis ont admis ne pas pouvoir répondre aux besoins d'Hadrien car souvent, dans ces classes, au collège, les élèves n'ont pas encore acquis la lecture et l'écriture. « Nous l'aurions donc mis dans une situation d'échec », déduit la maman.
Des améliorations significatives
Après quatre ans au sein de Votre école chez vous, sur les conseils de son psychiatre, il est passé d'un « enfant mutique, incapable de demander de l'aide, à un jeune qui prend énormément de plaisir à communiquer ». Il a également gagné en autonomie, dort mieux, mange mieux. « Avant, la gestion de l'environnement prenait le pas sur le plaisir de la socialisation. Aujourd'hui, cette solution lui offre une stabilité et une perspective d'avenir », se félicite sa mère. La recette de ce succès ? Un accompagnement sur-mesure et le respect du rythme de l'élève. Actuellement en classe de troisième, Hadrien étudie toutes les matières nécessaires pour passer le brevet, réparties sur dix heures par semaine. « Malgré un emploi du temps restreint, il arrive à suivre le programme de l'Education nationale parce qu'il n'y a pas la gestion de groupe à faire », précise Ana. Maths, anglais, histoire, EPS, arts plastiques... En général, en primaire, une enseignante se déplace une à trois fois par semaine chez ses élèves sur une plage d'1h30 à deux heures par matière, soit au maximum 6 heures de cours hebdomadaires, et entre 12 et 14 heures pour le secondaire. Le rythme « idéal » pour Hadrien. Alors, lorsqu'on lui propose de faire quelques matières au lycée l'année prochaine, la réponse est sans appel : « NON ! ». « Il ne se sent pas prêt et est encore marqué par la difficulté d'être dans un groupe de plus de cinq personnes », détaille sa mère qui exhorte à essaimer ce dispositif.
Un enseignement gratuit et adapté
Pour l'heure, VECV gère quatre établissements privés, dont trois sous contrat avec le ministère de l'Education nationale, en Ile-de-France et en Normandie. La scolarisation est gratuite, comme à l'école publique, il est simplement demandé d'adhérer à l'association via une cotisation annuelle de 100 euros. Ils regroupent chaque année entre 150 et 180 élèves, ayant majoritairement des troubles psychiques mais aussi autistes, avec des maladies invalidantes, des handicaps moteurs ou sensoriels, une infirmité motrice cérébrale (IMC) ou encore des troubles dys. « L'école à la maison est une alternative intéressante pour les jeunes qui ne peuvent pas prendre les transports en commun, pour des raisons physiques ou psychologiques », explique Marie-Suzanne Dejean de La Bâtie, directrice du collège-lycée France Quéré, qui affirme que l'enjeu est tout de même un retour au moins partiel dans leur école de secteur, lieu de socialisation. « Certains troubles psychiques entraînent une anxiété totalement incompatible avec le groupe scolaire, ajoute-t-elle. La phobie scolaire s'accompagne parfois de phobie sociale. Résultat : parfois nous n'arrivons même pas à les faire sortir de leur chambre pour leur donner cours. » La patience et la compréhension sont alors les clés. Des qualités que les professeurs, formés à l'accompagnement des jeunes handicapés, ont développé au fil des années au contact de leurs élèves.
Plus de demandes que d'offres
De la patience -en plus de la prescription du médecin spécialiste qui suit le jeune-, les familles intéressées devront également en faire preuve pour intégrer cette école qui affiche un taux de réussite au bac de 100 %. « Nous avons énormément de demandes, bien plus que d'offres disponibles, atteste Marie-Suzanne Dejean de La Bâtie. Une cinquantaine de dossiers sont en attente pour le secondaire et 70 pour le primaire. » Pour faire face, une nouvelle antenne vient d'ouvrir ses portes à Rouen, d'autres devraient suivre dans les années à venir. « Chaque région aurait besoin d'établissements comme le nôtre mais, financièrement, c'est très compliqué », assure la directrice. « De nombreux parents attendent avec impatience la création d'un mix entre VECV et école ordinaire », insiste Ana Duran. Quant à Hadrien, qui pensait impossible de poursuivre sa scolarité, il rêve aujourd'hui d'aller plus loin. « Il aimerait devenir compositeur mais aussi musicologue et enseigner la théorie de la musique, c'est sa passion du moment », sourit sa mère.