« Succès, crédibilité, amélioration, exemplarité, confiance, volonté de faire… » Le 22 janvier 2020, grand jour et nouvel élan pour le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) qui, pour cette mandature 2020-2023, promet du changement. Pour la première fois de son histoire, un président en situation de handicap est nommé ; il s'agit de Jérémie Boroy, accessoirement sourd de naissance, mais surtout militant de longue date, jeune (43 ans) et ultra motivé. L'autre nouveauté, c'est l'entrée dans le sérail de 24 « personnes qualifiées », qui apporteront leur expertise, qu'elles soient ou non en situation de handicap, ainsi que l'apparition de nouvelles têtes dans le champ des associations. Un appel à candidatures, « processus inédit de sélection », selon Sophie Cluzel, secrétaire d'Etat au handicap, a été lancé fin 2019, suscitant plus de 450 réponses, dont 250 pour les seules personnes qualifiées (articles en lien ci-dessous).
Une salle comble
En ouverture de la séance plénière, la ministre réaffirme l'importance qu'elle accorde au rôle du CNCPH dans la coconstruction des politiques publiques, et compte sur cette assemblée pour « écrire cette nouvelle page, dans la modernité et la confiance. ». La salle Laroque du ministère de la Santé est comble, plus que jamais ; il est vrai que le Conseil s'est étoffé avec 160 membres contre 116 auparavant, répartis en six collèges représentants la diversité de la société. Un vent nouveau semble souffler sur cette assemblée, « attentive » aux changements annoncés… L'envie d'y croire et d'y être est dans toutes les bouches mais certains sourires restent malgré tout crispés. A quelle sauce ce CNCPH rénové -la transition s'étant « faite au pas de charge » de l'aveu même de Dominique Gillot, son ex-présidente, va-t-il être mangé ?
En préambule, Jérémie Boroy questionne : « Doit-on retenir que je suis le 1er président dit 'handicapé' ? Je ne sais pas... C'est de mon engagement associatif que j'ai le plus appris. Rien de tel qu'un investissement au sein d'un collectif pour faire entendre sa voix et réfléchir à tous les moyens de faire bouger les lignes. » Et de rappeler qu'un ancien président du CNPCH est devenu celui de la République… François Hollande !
Une feuille de route ambitieuse
Il déroule une feuille de route ambitieuse, visant la pleine participation des personnes handicapées, tant sur le fond que sur la forme, promettant de « nouvelles modalités de travail ». Il met, par exemple, en place des cartons d'accessibilité pour réguler les échanges : vert pour dire qu'on a compris, rouge pour le contraire et violet pour encourager les interlocuteurs à parler moins vite. Un budget spécifique a par ailleurs été fléché sur la formation des membres en 2020. Il souhaite également que les travaux du CNCPH puissent être suivis par le plus grand nombre, notamment via une captation live des séances, accessible sur les réseaux sociaux. Mais refusant que cette démarche d'accessibilité reste confinée dans cette enceinte, Jérémie Boroy entend également mobiliser le gouvernement sur l'accessibilité de son discours, via le FALC (facile à lire et à comprendre), le sous titrage, la conformité au RGAA (Référentiel général d'amélioration de l'accessibilité)... Par ailleurs, le 28 janvier 2020 sera organisé un événement dédié aux prochains candidats aux élections municipales, afin de partager des recommandations pratiques pour qu'ils puissent s'adresser à tous les électeurs.
Collaborer avec d'autres instances
Jérémie Boroy tient à souligner l'importance qu'il accorde à la capacité collective à mobiliser le CNCPH en amont de la présentation des projets de loi en conseil des Ministres : « Ne nous contentons plus d'une simple fiche sur le 'volet handicap' du projet de loi, et partons du principe qu'a priori, chaque projet de loi est une opportunité de réduire ou de supprimer des situations de handicap ». Il a ainsi proposé à la secrétaire d'Etat que soit expérimentée cette co-production en 2020 avec au moins cinq projets de loi.
Le CNCPH se dotera, par ailleurs, de ses propres indicateurs, pour livrer un état des lieux de la situation des personnes handicapées et de leurs familles et mesurer son évolution sur autant de sujets que nécessaires, comme l'accessibilité du cadre bâti, l'accès à la formation, l'accès à la compensation du handicap et réel reste à charge, l'accès aux soins… Enfin, Jérémie Boroy a affirmé sa volonté de travailler en collaboration avec de nombreuses instances : le Défenseur des droits, le CESE, le Conseil national de l'inclusion dans l'emploi, le Conseil national du numérique, le Conseil supérieur de l'audiovisuel, ou encore la SACEM, le CCAH…
Quoi de neuf ?
D'autres nouveautés… Neuf commissions thématiques sont mises en place, dont une nouvelle dédiée aux territoires et à la citoyenneté. Chaque président(e ?) -sur les 9, 7 sont des femmes-, qui est par ailleurs nommé vice-président du CNCPH, est épaulé par deux assesseurs. Chaque membre titulaire ou suppléant a dû signer une charte d'engagement. Ensuite, au plus tard fin décembre 2022, l'administration des associations devra reposer sur plus de 50 % de personnes handicapées ou de parents. Le CNCPH est également conforté dans sa vocation d'autosaisie et de réflexion sociale et sociétale avec la création d'un conseil pour les questions sémantiques, sociologiques et d'éthique qui permettra de débattre des questions actuelles et des enjeux d'avenir, dans un lieu dédié ; ses membres doivent être nommés dans les prochains jours.
Un comité de suivi
Un comité des suites données aux avis du Conseil est également mis en place afin de veiller à ce que les productions du conseil irriguent, « le plus possible », les travaux des administrations, et inversement. « On a souvent déploré, dans les mandatures précédentes, que nous prenions des avis mais sans trop savoir ce qu'ils devenaient, regrette Jérémie Boroy, alors que c'est la raison d'être de ce Conseil ». Son pilotage est confié à trois présidents d'associations de référence : Alain Rochon (APF France Handicap), Jean-Louis Garcia (APAJH) et Luc Gateau (Unapei). Jean-Louis Garcia exige, « si l'on veut que notre combat intègre les lois de la République », que les avis « fouillés, détaillés, lucides, ambitieux » aient « des suites ». « Nous n'avons pas besoin d'avis complaisants ! », assure-t-il.
Une ministre « contente »
Enfin, la ministre a annoncé qu'une « convention citoyenne » se tiendrait une fois par an sous l'égide du CNCPH, à l'instar de la convention citoyenne climat, qui permet d'interroger les citoyens sur une thématique et dans un timing spécifiques afin, selon elle, « d'inscrire le Conseil dans la mouvance de cette démocratie participative ».
A l'aune de cette nouvelle mandature, quel est son état d'esprit ? Sophie Cluzel se dit « extrêmement contente de voir que ce qu'on a pu proposer à travers le rapport Michels/Radian a abouti à un CNCPH moderne ». En s'ouvrant aux différentes instances, ce conseil entend « sortir de l'entre soi, être force de proposition et co-construire ». Et de louer les qualités d'un « président qui va nous faire avancer sur la communication, avec une vraie dynamique de personnes nouvelles qui viennent enrichir les anciens ». C'est parti, trois ans pour tout formaliser !