Contraceptions imposées, stérilisations non consenties, absence de suivi gynécologique, freins au droit à une vie amoureuse, à celui d'être parent. Mais aussi violences sexuelles ou gynécologiques, menaces, comportements outrageants, emprise psychologique… Dans une circulaire du 5 juillet (N° DGCS/SD3B/2021/147), mise en ligne le 31 août 2021 (en lien ci-dessous), et signée par Sophie Cluzel, secrétaire d'Etat au Handicap, le gouvernement adresse une longue piqûre de rappel. Pas moins de sept pages, à « tous » les professionnels et directions des établissements médico-sociaux relevant du champ du handicap –elle ne concerne pas les personnes âgées en Ehpad- !
Risque de violence
Objectif ? Faire respecter « l'intimité et les droits sexuels et reproductifs des personnes accompagnées », adultes comme enfants, considérés comme un « déterminant de la santé, facteur de bien-être, d'épanouissement et d'autonomie » qui « ne saurait être négligé ». La circulaire insiste également sur la nécessité de sensibiliser les personnes en situation de handicap à leur santé sexuelle. Ce « socle de connaissances » pourrait ainsi leur permettre de mieux « lutter contre les violences physiques, psychologiques et sexuelles », dont elles sont encore trop souvent victimes. Les femmes sont en première ligne, qu'il faut armer « contre les phénomènes d'emprise », outiller pour leur permettre de comprendre la notion de consentement, la différence entre séduction et violence ainsi « libérer » leur parole.
Les conclusions du groupe handicap du Grenelle
Ces propositions émanent des travaux réalisés par le groupe « handicap » lors du Grenelle des violences conjugales de fin 2019, copiloté par la Direction générale de la cohésion sociale et le secrétariat général du Comité interministériel du handicap (article en lien ci-dessous). « Enfin », se félicite Marie Rabatel, présidente de l'AFFA (Association francophone des femmes autistes), elle-même victime de viol et membre de ce groupe (aux côtés du Planning familial, Droit Pluriel, FDFA, Agence régionale de santé, APF France handicap, la Miprof, Mémoire traumatique et victimologie). Il s'est minutieusement focalisé sur la détresse parfois dissimulée derrière les murs des établissements. Cette circulaire constitue, selon Marie Rabatel, « un support indispensable pour permettre aux associations de réaffirmer leurs actions contre les violences faites aux personnes vulnérables ». « Après ça, les directions ne pourront plus dire qu'elles ne savaient pas comment faire », ajoute-t-elle.
Des réponses concrètes
Le texte liste en effet des outils très concrets et des pratiques professionnelles « positives » afin d'identifier sans ambiguïté tous les comportements défaillants et toute entrave au respect de la vie intime et affective. Cette dernière doit ainsi pleinement s'inscrire dans le « contrat de séjour, le règlement de fonctionnement de l'établissement, le projet d'établissement ou de service, le projet personnalisé ». Une charte dédiée doit également être rédigée par les établissements, en collaboration avec les personnes accompagnées. Une auto formation de 25 minutes sur les violences sexuelles est disponible en ligne pour aider les professionnels et les accompagnants (en lien ci-dessous) à mesurer leur connaissance des droits et libertés mais aussi à repérer une personne victime de violences (question du consentement, signaux d'alertes). Trois autres sont en cours de réalisation…
Le texte suggère par ailleurs de désigner un référent sur cette question dans chaque établissement, personne ressource formée à l'écoute de ses collègues comme des résidents. Des groupes de parole peuvent également être mis en place pour permettre aux personnes accompagnées d'exprimer leurs besoins. L'agencement des lieux de séjour est, lui aussi, passé au crible avec, notamment, la possibilité d'accéder à des chambres dédiées aux couples ou tout simplement de pouvoir fermer sa porte lorsque le résident le souhaite. L'organisation d'un suivi gynécologique régulier est également réclamée.
Le respect tous azimuts
Le respect de l'intimité est au cœur de ce texte. Elle recommande de « requérir systématiquement le consentement de l'enfant ou de l'adulte avant d'intervenir sur son corps dans les actes de la vie quotidienne (toilette, habillage, mobilisation de la personne, repas) ». Ou encore de « veiller à respecter les identités de genre et leurs expressions, l'orientation sexuelle des personnes accompagnées en travaillant notamment avec les associations LGBTQIA ». Le soutien à la parentalité est également une priorité, y compris après la naissance de l'enfant. Des centres de ressources sont ainsi déployés depuis le premier trimestre 2021 dans chaque région pour accompagner les parents en situation de handicap. Il en existe neuf en France pour le moment, qui seront généralisés dans toutes les régions à partir de 2022.
En cas de violence ?
Enfin, cette circulaire accorde une large place à la lutte contre les violences, sexuelles ou pas, qui peuvent aussi se manifester par des comportements outrageants, par exemple montrer des revues ou des films à caractère pornographique sans le consentement du résident. Comment l'établissement est-il tenu de réagir lorsqu'une personne en est victime ? La procédure doit être facilement portée à la connaissance de cette dernière, en l'aiguillant vers les démarches judiciaires éventuelles, via des documents « accessibles » (en FALC, pictogrammes, braille…), affichés dans l'établissement (à la bonne hauteur pour les enfants).
Le texte appelle par ailleurs à une « vigilance toute particulière concernant les recrutements des professionnels en ayant recours à la consultation du fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles et violentes (FIJAIS) ». « Si elle embauche un violeur, la direction n'est jamais mise en cause », déplore Marie Ratabel. C'est pourtant aux directions « d'assurer le suivi des signalements » et de prendre toutes les mesures vis-à-vis de l'auteur de violences (pro, famille, résident…) », précise la circulaire faisant écho au code pénal qui stipule que « face à de tels agissements, les professionnels de la structure et l'équipe dirigeante sont dans l'obligation d'alerter et de signaler les violences sexuelles », au risque d'écoper de 45 000 euros d'amende et de trois ans de prison. Ce texte va permettre de « rappeler les établissements à leurs devoirs et les mettre face à leurs responsabilités, y compris pénales », espère Marie Rabatel qui déplore que cette impunité institutionnelle continue de faire de nombreuses victimes aujourd'hui en France.
« L'amendement creton (ndlr : qui permet de maintenir un jeune de plus de 20 ans dans une institution pour enfants lorsqu'il est en attente de place dans une structure pour adultes), n'est-il pas un facteur de risques supplémentaire ? Comment un enfant de six ans peut-il se défendre face à un adulte de 25 ans », questionne-t-elle, en conclusion, les actes de violences n'étant pas le seul fait des professionnels.