« Je mesure entre 0,1 et 0,5 millimètres, me niche volontiers dans les tissus et les sols et me nourris de peaux mortes. Je suis, je suis, je suis… un acarien ! » Bien qu'invisible à l'œil nu, cet arachnide microscopique est responsable d'un grand nombre d'allergies et pourrait bien être à l'origine de maladies plus invalidantes. En effet, des chercheurs de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) ont découvert que l'exposition aux acariens pourrait être le facteur déclenchant du vitiligo chez certains individus. Maladie auto-immune qui touche entre 1 et 2 % de la population mondiale, cette affection cutanée se caractérise par une dépigmentation identifiable à ses zones blanches sur la peau, irrégulières ou ovales et bien délimitées, avec une bordure parfois plus foncée. Prédisposition génétique, stress, friction, contact avec des produits chimiques... ses causes sont de mieux en mieux appréhendées.
« Mangeurs » des cellules de l'épiderme
Ainsi, des chercheurs du Centre méditerranéen de médecine moléculaire à Nice se sont penchés sur le rôle des facteurs environnementaux avec, parmi eux, celui des acariens. « Ces organismes microscopiques peuvent déclencher des allergies, et cela nous a conduits à soupçonner qu'ils pourraient avoir un lien avec les anomalies du système immunitaire observées dans le vitiligo », explique Méri Tulic, chercheuse. Bingo ! Les scientifiques ont constaté que ces minuscules êtres vivants fabriquent des « protéases » en grand nombre, c'est-à-dire des protéines qui en dégradent d'autres. Or le vitiligo est dû à la disparition des mélanocytes, les cellules de l'épiderme qui produisent la mélanine, le principal pigment qui colore la peau. Pour vérifier cette hypothèse, l'Inserm a prélevé des échantillons d'épiderme sur des patients de vitiligo et des volontaires non atteints, les exposant ensuite à des acariens.
Une crème comme barrière cutanée
Résultat, cette mise en contact a provoqué, selon les chercheurs, « la sécrétion de plusieurs molécules d'inflammation (chimiokines et cytokines) et une augmentation de la concentration en protéases ». « Les analyses moléculaires ont confirmé qu'une protéase d'acarien appelée 'Der p1' détruit la E‑cadhérine dans l'épiderme et provoque le détachement des mélanocytes », ajoute Méri Tulic. Ce phénomène était d'ailleurs cent fois plus important dans les échantillons de personnes vivant avec un vitiligo. Pour le groupe de chercheurs, aucun doute, la présence d'acariens représente un facteur environnemental pouvant « contribuer à l'induction de poussées de vitiligo et à l'aggravation de la maladie ». Il est toutefois possible d'en réduire les risques, en protégeant l'épiderme. Pour ce faire, l'équipe a testé une crème riche en céramides, des lipides naturellement présents dans la peau et importants pour le fonctionnement normal de la barrière cutanée. Elle aurait notamment permis de réduire l'inflammation et la perte des mélanocytes responsable de l'apparition du vitiligo.