Par Jessica Lopez
Première visite dans un isoloir, premier bulletin dans l'urne : à 21 ans, Emile vient de voter dans une mairie des Yvelines, qui a reconstitué "grandeur nature" cet acte citoyen pour sensibiliser des personnes avec handicap mental avant les élections régionales et départementales.
Premier vote
"Le jour J, on va vous demander ici de présenter votre carte d'identité", leur dit dès l'entrée une employée de la mairie, volontaire pour animer cette sensibilisation menée à l'initiative de l'association Avenir Apei, qui gère l'Esat. Choisir ses bulletins, aller dans l'isoloir, passer devant les assesseurs pour donner son nom puis glisser son bulletin dans l'urne : chaque étape est d'abord détaillée, avant que tous se lancent dans un exercice en situation un par un. Non sans mal pour certains. Emile s'emmêle un peu les pinceaux au moment de prendre plusieurs bulletins. "Et l'enveloppe ? Il faut prendre une enveloppe", l'aiguille-t-on. "J'avais déjà voté à l'école, quand on faisait des élections pour savoir qui allait nous représenter. Mais jamais autrement", déclare à l'AFP ce jeune homme atteint de déficience intellectuelle. "La formation qu'on a eu c'est bien, ça permet aux gens qui n'ont jamais voté d'apprendre et aux autres de s'en souvenir, car ça fait longtemps", ajoute-t-il.
Voter, un acte citoyen
Depuis la loi du 25 mars 2019, des milliers de personnes porteuses d'un handicap mental ont récupéré le droit de vote dont elles avaient longtemps été privées. "La loi permet à ces personnes d'avoir le droit à la citoyenneté. Et être un citoyen, voter, c'est le départ de l'inclusion dans la société, dans la ville, être comme tout le monde finalement", souligne Jean-Michel Reiter, président d'Avenir Apei. Toutefois de "nombreux freins subsistent", estime-t-il, comme "accéder aux idées des candidats, s'inscrire sur les listes électorales, se déplacer dans les bureaux de vote et aussi faire passer le message que tout le monde a le droit de vote... C'est pour ça que nous mettons en place ces actions". "Contente" d'avoir "appris à voter, même pour de faux", Aurore, 20 ans, se sent désormais "prête à voter pour de vrai" les 20 et 27 juin prochains. Cette jeune femme déficiente intellectuelle, qui travaille à l'Esat et vit chez ses parents, est déjà inscrite sur les listes électorales et a sa carte d'électrice. "Mais c'est ma mère qui la garde, pour pas que je la perde", sourit-elle.
Eliminer le stress et sensibiliser
"A 18 ans, le premier vote est souvent fait en famille. Personne ne sait d'avance comment ça se passe et c'est important d'apprendre", poursuit M. Reiter, insistant sur le fait que la loi permet "aux personnes qui ont un handicap plus sévère d'être accompagnée, y compris dans l'isoloir et pour signer si la personne n'en est pas capable". Pour Paul Joly, maire-adjoint de la commune nouvelle de Saint-Germain-Fourqueux, qui a créé ce bureau fictif, ces actions poursuivent "un objectif double : elles ont une valeur éducative, qui permet à ces personnes de voir l'aspect technique du vote et d'éliminer de potentiels facteurs de stress, et cela sensibilise les élus et services administratifs à l'accueil des personnes handicapées, notamment porteuses d'un handicap invisible". Sur "tout le territoire", des actions similaires essaiment, fait valoir auprès de l'AFP un représentant de l'Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis (Unapei). Au-delà des élections de fin juin, il s'agit aussi de "préparer l'échéance des élections présidentielles et législatives dans un an" et "d'interpeller les candidats au sujet du handicap", souligne l'Unapei.