Emmanuel Macron, le 9 juillet 2018, annonce, devant les parlementaires réunis pour le Congrès de Versailles, qu'il compte accorder un droit inconditionnel de vote aux personnes avec un handicap mental ou psychique placées sous tutelle (article complet en lien ci-dessous).
Contraire à la convention de l'ONU
Le système français est ainsi fait que ce droit est accordé de fait mais peut néanmoins être retiré sur décision d'un juge. En France, plus de 385 000 majeurs seraient concernés par cette disposition, dont entre un quart et un tiers encore privés de leur droit de vote. La secrétaire d'État en charge des personnes handicapées, Sophie Cluzel, s'était déjà exprimée à ce sujet en février 2018 (article en lien ci-dessous) pour réclamer un droit de vote sans condition. Cet article 5 du Code électoral français est en effet contraire à la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées (CIDPH) des Nations unies dont le 29e article affirme l'inaliénabilité du droit de vote. Un pas devrait donc être rapidement franchi pour rétablir ces Français dans leur pleine citoyenneté. Mais qu'en est-il ailleurs en Europe ?
Le cas d'une Espagnole
Quelques jours plus tard, c'est au tour de la Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, Dunja Mijatović, de se prononcer sur le cas d'une Espagnole. Au motif qu'elle présente une déficience intellectuelle, María del Mar Caamaño Valle s'est vu retirer son droit de vote par une juridiction espagnole. « Nul ne devrait en être privé à cause de son handicap. Les personnes en situation de handicap intellectuel ou psychosocial ne font pas exception (…) même si un juge a évalué au préalable les capacités cognitives de cette personne et son état de santé mentale », a déclaré Dunja Mijatović en rendant publiques les observations écrites qu'elle a présentées à la Cour européenne des droits de l'homme à Strasbourg le 17 juillet. Elles s'appuient sur les normes du Conseil de l'Europe et d'autres organisations internationales sur cette question, et notamment la Convention de l'ONU. Selon elle, cette privation, qui n'est compatible avec aucun but légitime, équivaut à une discrimination. « Dans une démocratie moderne, aucun électeur n'est tenu d'expliquer pourquoi il vote pour tel parti ou tel candidat, assure-t-elle. Selon certaines idées reçues, retirer le droit de vote à une personne permettrait de protéger cette personne et la société. Or, bien au contraire, cela perpétue l'exclusion et la stigmatisation, et prive la société d'élus qui la représentent dans toute sa diversité. »
Accéder au vote
Par ailleurs, la Commissaire rappelle que les États doivent remplir plusieurs obligations positives pour que les personnes en situation de handicap intellectuel ou psychosocial puissent « effectivement » exercer leur droit de vote. Cela comprend des mesures d'accessibilité générales et des aménagements raisonnables des bureaux de vote mais également l'assistance et le soutien dont ce public a besoin pour comprendre les enjeux d'une élection, faire un choix et voter. « L'État a pour rôle de prévenir les conflits d'intérêts qui risquent d'être liés à cet accompagnement mais il doit se garder d'empiéter sur le droit de vote en soi. », poursuit la Commissaire.
En ce mois de juillet 2018, Dunja Mijatović semble aux aguets sur les questions de handicap. Elle s'est en effet également exprimée le 13 sur les dérives de la loi Élan qui prévoit de limiter le nombre de logements neufs accessibles à 10% (contre 100% aujourd'hui selon la loi handicap de 2005), demandant au législateur français de revenir à la raison (article en lien ci-dessous).
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