Bonne rentrée pour le handicap : des raisons d'y croire ?

Rentrée 2017 : les annonces du gouvernement sur la scolarisation des élèves handicapés rassurent-elles les associations ? L'affaire des contrats aidés a jeté le trouble. Agnès Bathiany, de la fédération des PEP, se dit "attentive".

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Handicap.fr : Jean-Michel Blanquer a dévoilé, le 29 août, son programme pour la rentrée scolaire 2017 (article en lien ci-dessous). Etes-vous "enthousiaste" sur les annonces relatives aux élèves en situation de handicap ?
Agnès Bathiany : Nous sommes "attentifs". Nous sommes dans la continuité. Le ministre promeut "l'Ecole de la confiance", c'est une bonne perspective mais cela suffira-t-il à apaiser la méfiance qui s'est manifestée cet été, au regard des annonces faites et de la rapidité des délais de mises en oeuvre. Nous l'espérons. Ces derniers jours, nous lisons beaucoup, nous écoutons beaucoup, les déclarations sont nombreuses. L'engagement du gouvernement est important sur cette question pour améliorer le système et nous sommes, en tant que fédération, prêts à nous engager fortement comme toujours. La scolarisation des enfants handicapés est un chantier ambitieux et il faut mobiliser tous les moyens pour le mener à bien...

H.fr : Lorsque le gouvernement annonce la baisse des contrats aidés, vous vous dites peut-être que ça ne commence pas très bien ?
AB : Le gouvernement a promis que cela n'aurait aucun impact sur l'Education nationale, et notamment sur l'emploi des AVS. On ne peut que s'en féliciter. Le problème, c'est que les contrats aidés concernent aussi l'encadrement des activités périscolaires, notamment en faveur des élèves handicapés. Cela impacte par ailleurs les activités d'accompagnement des enfants au sein des établissements médico-sociaux. De nombreuses collectivités y ont recours. Aux PEP, nous nous battons pour que les activités culturelles et sportives fassent partie intégrante de la scolarité et soient considérées comme un facteur de réussite pour ces enfants.

H.fr : Les contrats aidés concernent souvent des personnes handicapées, particulièrement éloignées de l'emploi. Au sein des PEP, par exemple, combien de postes sont menacés ?
AB : Sur nos 800 contrats aidés, plus de 300 concernent des personnes handicapées. Nous sommes inquiets. Les services de Pôle emploi ont envoyé des courriers en disant, de manière générique, que les contrats au sein de nos associations ne seraient pas reconduits.

H.fr : La Cour des comptes déclare que ce dispositif est "coûteux et inefficace".
AB : Aux PEP, selon les remontées collectées à cette heure, nous avons mis en place de vraies formations et 50 % de nos contrats aidés ont débouché sur un CDI.

H.fr : Face à l'urgence, que réclamez-vous ?
AB : Que ces contrats aidés soient également "sanctuarisés", comme dans l'Education nationale, pour toutes les associations qui concourent à l'action publique, sinon, la qualité des services offerts aux publics bénéficiaires risque d'être impactée. Nous avons entamé auprès du gouvernement une campagne active en ce sens...

H.fr : La bonne nouvelle, c'est donc la création de 8 068 emplois pour accompagner les élèves en situation de handicap. Mais ce nombre suffira-t-il à couvrir tous les besoins ?
AB : Il est difficile d'estimer quels sont précisément ces besoins de notre point de vue ; l'Etat est plus à même d'y répondre. Plus de 8 000 emplois, c'est un élément important mais, sans doute, faudra-t-il s'adapter en temps réel en fonction des demandes, parfois en dernière minute car des notifications pour l'attribution d'AVS sont encore en cours dans les MDPH. Cela n'empêchera certainement pas quelques bugs à la rentrée mais nous comptons sur un accompagnement adapté des écoles et des familles pour que les problèmes soient gérés le plus vite possible et qu'ils soient les moins nombreux possible. La cellule "Aide handicap école" mise en place par le ministère de l'Education à cet effet est tout à fait positive.

H.fr : A quelques jours de la rentrée, ces bugs commencent-ils à remonter jusqu'à vous ?
AB : Quelques-uns. Comme toujours, des parents en attente de notifications ou d'AVS. Certains devront certainement encore patienter quelques jours .Chaque année, la mise en place est compliquée et nous comprenons leur inquiétude.

H.fr : Le fait que Sophie Cluzel, secrétaire d'Etat en charge du handicap, soit une ancienne présidente d'association, et maman d'une jeune femme trisomique, a-t-il changé la donne ?
AB : Il est vrai qu'elle est extrêmement sensible à ces questions et y travaille, avec Jean-Michel Blanquer, de manière prioritaire. La scolarisation des enfants en situation de handicap et leur accompagnement est l'une de leur priorité et nous allons d'ailleurs les rencontrer dans ce sens.

H.fr : Quelles sont les tendances qui pourraient néanmoins vous rassurer ?
AB : Le gouvernement a réellement manifesté son objectif de travailler dans l'inter ministérialité. C'est, pour nous, déterminant. Sur la question du handicap, les différentes administrations et acteurs ont, jusqu'à maintenant, eu plutôt du mal à coopérer. Nous sentons qu'il y a une vraie prise de conscience sur le fait qu'on ne peut plus traiter cette question uniquement par le prisme du sanitaire ou de l'Education nationale. Par ailleurs, pour mettre en place réellement des dispositifs inclusifs, il faut que la question des loisirs, du sport, du périscolaire, de la culture soit pleinement prise en compte dans le parcours des élèves en situation de handicap. C'est une vraie clé de coopération à l'échelle des territoires qu'il faut déployer. Les PEDT (Projet éducatif territorial) doivent, de notre point de vue, être utilisés pleinement à cette fin.

H.fr : La coopération, c'est aussi entre l'Ecole et le médico-social. Comment cela se passe-t-il au sein de votre fédération. Quoi de neuf ?
AB : Nous accueillons 90 000 enfants dans nos établissements médico-sociaux. Un grand nombre d'entre eux sont scolarisés en école ordinaire, à temps plein ou partiel. Jean-Michel Blanquer a annoncé de manière spécifique, le renforcement des dispositifs Ulis (Unités locales d'inclusion scolaire) ; c'est positif. Les coopérations entre le secteur médico-social et les établissements scolaires peuvent cependant aller plus loin.

H.fr : Quels sont les problèmes que vous rencontrez le plus fréquemment dans ce domaine ?
AB : La plus grosse difficulté, c'est la gestion des plannings entre les heures de scolarité et les prises en charge médico-social. Il est parfois compliqué de jongler. Nous sommes également confrontés à un manque de places dans les unités dédiées au sein des écoles.

H.fr : Une question récurrente depuis des années, c'est la formation des enseignants à l'accueil des élèves en situation de handicap. Tous les gouvernements en parlent mais rien ne se fait... 
AB : Il y a bien quelques stages et formation mais il est vrai que ce n'est pas généralisé. Dans la formation, au sein des ESPE (écoles de formation des enseignants), il y a juste quelques modules avec très peu d'heures. Chacune aborde le sujet comme elle l'entend, avec souvent un traitement très global du handicap qui permet juste de survoler la question. Or tous les enseignants seront, au cours de leur carrière, amenés à accueillir plusieurs élèves handicapés dans leur classe. Même en cas de présence d'AVS, ils ne doivent pas restés seuls ; cela exige une plus grande collaboration avec le médico-social, via des groupes de travail, de parole, des échanges. Or, aujourd'hui, cette relation ne se fait pas spontanément et ce sont souvent les parents ou des enseignants confrontés à des problèmes particuliers qui, autour de l'enfant, tissent le lien entre les différents acteurs. Il faudrait des plateformes dédiées ; nous menons des expériences en ce sens que nous comptons valoriser auprès de nos interlocuteurs institutionnels.

© maglara/Fotolia

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