Macron défend les logements adaptables : réactions !

Adaptables ? Adaptés ? A quelle sauce les logements neufs vont-ils être mangés ? Les "normes handicapés" sont dans toutes les bouches, notamment celle de Macron. Une solution existe : le respect des règles élémentaires de sécurité.

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« Aujourd'hui, dans une caserne de pompiers, tous les logements doivent être aux normes handicapés ! », remarque Emmanuel Macron lors de sa visite du salon « 24 heures du bâtiment » le 6 octobre 2017, propos rapportés par le site des Échos. Plutôt que 100% de logements adaptés, « nous souhaitons avoir 100% de logements adaptables par des déplacements de cloisons. Cela baissera le coût des logements. Il faut mettre beaucoup de pragmatisme », a-t-il ajouté. Cet appel à plus de souplesse, il l'avait déjà lancé auparavant, déclenchant l'inquiétude de certaines personnes concernées.

Pas que les pompiers

Une déclaration qualifiée de « croquignolesque » devant les « lobbies du bâtiment » par le Comité pour le droit au travail des handicapés et l'égalité des droits (CDTHED) qui s'est fendu d'une réponse. « Rappelons à Monsieur le Président que les casernes de pompiers ne constituent pas du tout un exemple représentatif de la majorité des logements, pas plus que les casernes de gendarmes, celles de militaires ou les couchettes de sous-marins… Rappelons aussi que, dans une caserne, il y a des administratifs (secrétaires, standardistes…) qui peuvent être handicapés. Ces postes sont parfois occupés par d'anciens pompiers reclassés suite à un accident survenu durant leur carrière, lors d'une intervention dangereuse ! »

Sarko, Fillon, Macron…

Emmanuel Macron réitère ainsi les propos qu'il a tenu le lundi 11 septembre, lors d'une visite à Toulouse, dessinant les grands axes de son projet de loi « Habitat mobilité et logement » (article en lien ci-dessous). Il y avait estimé que notre pays « construit trop peu car notre système est bloqué par la surrèglementation ». Il n'est pas le premier à faire des déclarations en ce sens puisque Nicolas Sarkozy, dénonçant déjà des normes trop contraignantes en 2016, proposait qu'une petite partie du parc de logements et d'écoles soit rendue accessible. Quelques jours plus tard, François Fillon avaient même qualifié ces normes « d'absurdité » (article en lien ci-dessous).

Adapté ou adaptable ?

Alors à quoi s'en tenir ? Les déclarations sont floues. Contradictoires ? Lors du comité interministériel du handicap (CIH) du 20 septembre 2017, le Premier ministre annonce que 100% des logements doivent être adaptables. Deux jours plus tard, lors de la conférence de presse « Stratégie logement du gouvernement », le ministre de la Cohésion des territoires parle lui de 10% de logements adaptés. Adaptables, adaptés ? La feuille de route du gouvernement en matière de logement, dévoilée lors de ce CIH, donne priorité à l'habitat inclusif et à l'adaptation des logements privés. Pour ce faire, elle prévoit de « développer le logement évolutif (ou réversible), accessible en grande partie et pouvant être rendu totalement accessible, sur demande, par des travaux assez simples », notamment des cloisons amovibles. Mais également d'« investir en faveur d'un ensemble de solutions d'habitat social, partiellement ou totalement dédiées aux personnes handicapées ». Ou encore de « consolider l'action de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) en faveur de l'adaptation des logements privés ». 

11 millions… et des seniors

Le CDTHED rappelle que « l'accessibilité concerne une grande partie de la population ». Selon l'INSEE, la France compte 11 millions de personnes présentant au moins une incapacité motrice, sensorielle ou intellectuelle. « Toutes ne sont pas « handicapées » au sens usuel du terme mais sont toutes gênées dans leur vie quotidienne, poursuit Henry Galy, son président. D'autant que les personnes dites « valides » vont vieillir et seront, pour la plupart, confrontées dans l'avenir à une ou plusieurs de ces incapacités. » Habitant des logements non-accessibles, beaucoup sont, selon lui, obligées d'entrer prématurément en maison de retraite. « Personne ne peut croire sérieusement qu'elles se lanceront à 70, 80 ou 90 ans dans des travaux d'adaptation de leur logement avec des « déplacements de cloisons », à supposer qu'elles en aient les moyens financiers à ce moment-là… », conclut-il. De son côté, la FNATH (fédération des accidentés de la vie) confirme que la « simplification des normes sur l'accessibilité suscite de nombreuses craintes. Des logements moins accessibles, dans une société vieillissante, constituent un recul important et un risque supplémentaire d'exclusion des personnes handicapées. »

Une utopie ?

L'Anpihm (Association nationale pour l'intégration des personnes handicapées moteurs) soutient, quant à elle, la notion de logement adaptable, sous réserve de connaître les textes réglementaires définitifs, et apporte un autre éclairage qui devrait mettre tout le monde d'accord. Elle explique, dans une lettre ouverte adressée au chef de l'État le 9 octobre 2017 que, de toutes façons, « 100% de logements neufs adaptés est une hérésie car cela n'existe pas et n'a jamais existé ! Quant à la notion même de quotas de « logements adaptés », on s'est rendu compte que c'était le fiasco, et l'idée a été abandonnée par le législateur dès 1975 ». En effet, adaptés à qui, à quel handicap ? Des aménagements conçus dès la construction qui valent pour l'un vaudront-ils plus tard pour l'autre ? Pour cette association, « ce qui est important, c'est de débloquer rapidement  un budget le moment venu, en cas de changement de locataire, pour procéder aux travaux nécessaires ». Selon des devis qu'elle a fait établir, la suppression d'une cloison amovible en plâtre revient à quelques centaines d'euros. La seule contrainte serait de placer les toilettes à côté de la salle de bain pour pouvoir, le cas échéant, abattre le mur qui les sépare et disposer, ainsi, d'un plus grand espace de rotation pour les ocupants en fauteuil roulant.

Priorité ascenseur

L'association précise ensuite que, « pour être soi-disant « adapté », voire « adaptable », un appartement doit, en tout état de cause, être accessible au sens littéral du terme, c'est-à-dire en rez-de-chaussée ou desservi par ascenseur ». Or, seuls 36% des logements neufs répondent à ce critère, l'ascenseur n'étant obligatoire qu'à partir du 4e étage tandis que 85% des maisons individuelles ne sont pas concernées. L'Anpihm précise que « c'est sur ce point qu'il faut prioritairement militer » parce qu'avec la multiplication de petits immeubles, la France perd chaque année des logements accessibles.

Seule boussole : sécurité !

Face à ce constat, l'association ne cesse de marteler la seule réalité qui, pour elle, a du sens : les « normes handicapés » ne sont en réalité que des règles « évidentes » de sécurité incendie et d'évacuation (conception des escaliers, largeur des circulations et des portes, sas incendie, espace de rotation pour un brancard comme pour un fauteuil…) ! Il suffirait donc d'appliquer ces dernières pour être en conformité et proposer un cadre de vie adapté à tous les usagers. Tout simplement ? On cesserait alors d'agiter les « normes handicapés » comme des épouvantails qui menacent la filière du bâtiment. En prenant la sécurité comme boussole, le cap serait enfin fixé. Et ce ne sont certainement pas les pompiers qui iraient tiquer !

© oka/fotolia

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Emmanuelle Dal'Secco, journaliste Handicap.fr"
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