80 % des femmes handicapées subissent des violences. Parmi elles, plus de la moitié présentent des troubles psychiques. Brigitte Bricout, présidente de l'association Femmes pour le dire, femmes pour agir (FDFA), fait ce constat à l'occasion d'une table-ronde consacrée aux violences faites aux femmes handicapées, le 6 décembre 2018, au Sénat. Le numéro d'écoute de l'association (01 40 47 06 06) n'a jamais été aussi sollicité. 1 177 appels ont été reçus sur l'ensemble de l'année 2017 ; 2018 en comptait déjà 1 106 à la fin du mois d'août. Certaines restent pourtant murées dans le silence... Les principaux freins : l'âge et le type de handicap.
Le profil des femmes agressées
« Les femmes les plus exposées aux agressions sexuelles ne nous appellent pas ou très peu. Pourquoi ? », questionne Brigitte Bricout. Il faut mobiliser les jeunes de moins de 25 ans et sensibiliser les femmes qui n'osent pas parler. » Les personnes avec un handicap mental sont, elles aussi, aux abonnés absents. « C'est un problème car on ne connaît pas les problématiques spécifiques qu'elles rencontrent », explique Brigitte Bricout. 92 % des appelantes sont les victimes elles-mêmes, le reste étant l'entourage. Parmi elles, 38 % ont entre 34 et 45 ans. « 35 % des violences viennent du conjoint, 20 % de l'entourage (voisins, soignants...) et 15 % des parents », détaille Mme Bricout. Ce chiffre met en lumière la difficulté pour les proches de « supporter » le handicap. « Ça n'excuse rien mais ça explique peut-être qu'ils sont seuls face à cette situation », ajoute-t-elle. Où les agressions ont-elles lieu ? Dans 60 % des cas au domicile de la victime. « Donc, même chez elles, elles ne sont ni en sécurité ni protégées ». La moitié des appelantes sont sans emploi donc non autonomes ; cette situation de dépendance économique peut accroître l'emprise de l'entourage.
Accompagnement et orientation
Ces femmes appellent pour être écoutées, conseillées, orientées et accompagnées. La parole libère, « c'est thérapeutique », affirme Brigitte Bricout. A la question « Le mouvement #Metoo (des femmes victimes de harcèlement se sont révoltées après l'affaire du producteur de cinéma américain Weinstein) a-t-il eu un impact ? », la présidente de FDFA répond : « Non. Il n'y a pas eu de déclic, juste une petite progression. Ce qui prouve que, même dans un mouvement comme celui-ci, les femmes handicapées sont oubliées ». L'association tente d'inverser la tendance et de les mettre au cœur de ses priorités. Pour les aider à acquérir une autonomie complète, elle les oriente vers l'écrivaine publique qui leur apprendra, notamment, à rédiger un courrier pour expliquer ce qu'elles subissent. Une avocate les informe sur leurs droits, et les assistances sociales peuvent les aider à obtenir un logement. Autre étape, et pas des moindres, l'association leur conseille de porter-plainte au commissariat « mais sans les obliger ! », assure la présidente, et de faire appel au Défenseur des droits. « Les associations qui accueillent et accompagnent ces victimes de violence ont besoin de moyens ; le gouvernement doit prendre ses responsabilités », déclare Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes, lors de cette table-ronde.
La spécificité des femmes autistes
Alors que 14,5 % des Françaises âgées de 20 à 69 ans affirment avoir subi des violences sexuelles au cours de leur vie, ce chiffre passe à 90 % pour celles atteintes d'autisme. « Un bilan qui fait mal », affirme l'Association francophone des femmes autistes (AFFA). Ces agressions, pour la plupart perpétrées par l'entourage ou au sein des institutions spécialisées, restent un sujet tabou. « Tout se passe comme si ces viols massifs se déroulaient à l'insu de la société, ces femmes sont violées en toute impunité », déplore-t-elle. « Les femmes qui ont des troubles psychiques, souvent manipulables, représentent des victimes idéales pour les prédateurs sexuels. Leur difficulté à identifier les comportements violents, à comprendre la notion de consentement et surtout à décrypter les sous-entendus et intentions malveillantes les exposent à un risque dix fois plus élevé selon Humans rights watch (HRW). »
Mauvaise prise en charge
Si le handicap accroît le risque de violences, l'inverse est également vérifié. « L'impact psycho traumatique qui en résulte est souvent méconnu par les professionnels et donc non pris en charge de manière adaptée, entraînant abandon et isolement, assure Marie Rabatel. Pourtant cet impact est bien plus sévère chez ces femmes qui portent très rarement plainte. Quand elles le font, leurs difficultés de communication sociale et parfois leur décalage au niveau émotionnel décrédibilisent leur témoignage. » L'AFFA reviendra sur la question des violences perpétrées à l'encontre des femmes autistes lors du colloque « Femme avant tout », qui, initialement prévu le 8 décembre 2018 à l'Assemblée nationale, est reporté le 14 mars 2019.