La procédure d'attribution de l'allocation adulte handicapé (AAH), dont le coût a explosé de 70% en dix ans, est au coeur d'un rapport de la Cour des comptes publié le 25 novembre 2019 (rapport complet en lien ci-dessous).
Des critères subjectifs
Devenue "le deuxième minimum social en France", avec 1,2 million de bénéficiaires (article en lien ci-dessous), l'AAH est entièrement financée par l'État mais celui-ci n'a qu'un "droit de regard très limité, voire inexistant" sur son mode d'attribution, déplorent les sages. La Cour des comptes observe notamment que, depuis une loi de 2005, le handicap n'est plus défini comme "une incapacité objectivable à partir d'un diagnostic médical", et que de ce fait il est difficile, voire impossible "de dégager des critères objectifs pour caractériser la situation individuelle des demandeurs". En résulte, selon les auteurs du rapport, une "grande disparité" dans les taux d'attributions de l'AAH en fonction du département de résidence des demandeurs, ce qui "pose un problème d'équité territoriale et d'égal accès aux droits". Par ailleurs, selon eux, "la frontière entre le revenu de solidarité active (RSA, dont le montant mensuel représente la moitié de l'AAH) et l'AAH-2 apparaît incertaine. Selon les départements, une même situation personnelle pourra être analysée comme relevant du handicap ou du RSA."
Un processus industrialisé
En outre, le grand nombre de dossiers de demandes soumis aux maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) a conduit à un processus de décision "industrialisé". Les demandeurs présentent, à l'appui de leur dossier, un formulaire médical rempli par un médecin qu'ils ont "librement choisi", et les vérifications de ces données par les MDPH sont "rares, voire exceptionnelles". Cette situation "présente un risque en termes de fraude", puisqu'elle ne permet pas de détecter "certificats de complaisance, faux dossiers (ou) fausses déclarations", pointe la Cour des comptes. "L'AAH est de ce point de vue sensiblement moins pilotée, suivie et contrôlée que les autres minima sociaux, notamment le RSA", observent les rapporteurs, qui font 9 recommandations, notamment l'instauration "a minima" d'une "contre-visite médicale obligatoire avant toute première attribution de l'AAH".
Un rapport à charge selon APF
La Cour suggère également de conditionner l'octroi de l'AAH-2 (allouée aux personnes dont l'incapacité est évaluée entre 50% et 80% et qui sont considérées comme éloignées de l'emploi) à une "prise en charge médico-sociale adaptée, quand celle-ci est possible", et à un entretien préalable "d'évaluation de l'employabilité". Contactée par l'AFP, l'association APF France Handicap s'est insurgée contre un rapport "à charge", relevant d'une "logique comptable" et qui "jette la suspicion sur les bénéficiaires". "Ce qui nous inquiète, c'est que l'on veut renvoyer les allocataires de l'AAH vers l'emploi, alors que 80% ne peuvent pas travailler" du fait de leur handicap, a commenté Carole Salères, de l'APF.
Versée sous condition de ressources, l'AAH a été revalorisée début novembre (article en lien ci-dessous). Son montant est de 900 euros par mois pour une personne seule.