Près de 800 000 personnes sont placées sous mesure de protection juridique en France, tutelle ou curatelle, au titre desquelles 483 000 sont prises en charge par des mandataires judiciaires à la protection des majeurs (MJPM), les autres étant accompagnées par leurs familles.
Baisse de participation de l'Etat
A ces professionnels, elles sont tenues de verser une prestation financière, calculée en fonction de leurs ressources, un financement public étant par ailleurs alloué sous forme de dotation globale aux services mandataires. Or le gouvernement a décidé dans le budget 2018 d'augmenter cette participation individuelle pour compenser une baisse de l'engagement de l'Etat. Cette mesure, qui devait entrer en vigueur début avril, a été décalée de cinq mois. « C'est une aberration humaine et économique. Le gouvernement fragilise les personnes vulnérables et leur bon accompagnement en ne donnant pas les moyens nécessaires aux professionnels d'accomplir leur mission », a déclaré Luc Gateau, président de l'Unapei.
Quels changements ?
Depuis le 1er septembre 2018, les frais laissés à la charge des personnes sous tutelle et curatelle sont en effet calculés selon un nouveau barème, détaillé par un décret et un arrêté publiés le 31 août 2018 au Journal officiel (lien ci-dessous). Comme avec le système précédent, celles ayant des revenus (tous confondus) inférieurs ou égaux au montant de l'AAH (soit 819 euros depuis le 1er avril 2018 et 860 euros à partir de novembre) restent exonérées du paiement de ces frais. Ce qui change, c'est qu'auparavant, celles qui touchaient plus que ce seuil minimal pouvaient bénéficier d'une franchise, c'est à dire que le montant des frais était alors calculé sur la part excédant l'AAH. Exemple : pour 1 000 euros de revenus mensuels déclarés, la personne était exonérée de 819 euros, puis le montant de ses frais, selon un pourcentage, était alors calculé sur 1 000-819, soit 181 euros. Or ce nouveau texte supprime cette franchise et le calcul se fait désormais sur le montant global, soit 1 000 euros. « Ce qui signifie que, par exemple, une personne qui a été bien conseillée, a voulu être bonne gestionnaire et se montrer prévoyante en ouvrant un petit livret A ou un contrat d'assurance-vie est pénalisée dès lors qu'elle a quelques euros d'intérêt en plus de son AAH », explique concrètement l'Unapei.
Bientôt une notice explicative
Parce que le système est complexe, la DGCS (Direction générale de la cohésion sociale) a promis, à la demande des associations, de publier une notice d'information pratique et simple pour comprendre ce nouveau mode de calcul et faire ses propres simulations. Il doit être rendu public dans les jours à venir… A noter que le texte de loi prévoit que le « préfet peut accorder, à titre exceptionnel et temporaire, une exonération d'une partie ou de la totalité de la participation de la personne protégée, en raison de difficultés particulières liées à l'existence de dettes contractées par celle-ci avant l'ouverture d'une mesure de protection juridique des majeurs ou à la nécessité de faire face à des dépenses impératives ».
36 millions d'euros dégagés
« Bénéficier d'une mesure de protection ne doit pas aboutir à une discrimination qui conduirait les personnes à ne plus pouvoir subvenir à leurs besoins les plus élémentaires, avait plaidé, en février 2018, la députée de Savoie LR Martine Berthet. Or, cette augmentation de la participation financière des majeurs va entraîner une remise en cause de l'équilibre de leur budget. » Réponse du ministère de la Santé : « Cette réforme vise à dégager un rendement supplémentaire (36 millions d'euros par an pour la mise en œuvre de cette politique) permettant de financer une progression des budgets des services plus conforme à l'évolution des besoins du secteur. ».
2 asso montent au créneau
Cette nouvelle charge financière « aura des conséquences dramatiques sur les personnes ayant de très faibles ressources », a mis en garde l'Union nationale des associations familiales (Unaf) dans un communiqué. Rappelant que « la moitié des personnes protégées vit en dessous du seuil de pauvreté » (fixé à 1 015 euros par mois en 2015 selon l'Insee), l'Unaf redoute des « effets néfastes sur le niveau de vie de personnes qui vivent déjà dans une très grande précarité, ainsi que sur leur relation avec leurs mandataires ». Cette « réforme injuste pénalise les personnes les plus vulnérables », ont pour leur part affirmé Les petits frères des pauvres et l'Unapei dans un communiqué commun, demandant « aux pouvoirs publics de renoncer à cette mesure ».