Malformations faciales : et si on cartographiait la tête?

Améliorer nos connaissances du développement de la tête humaine pour mieux saisir les anomalies congénitales causant malformations et troubles neurologiques, c'est l'ambition d'une étude de l'Inserm qui "transparise" les organes. Résultats concluants

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« Les nouvelles connaissances sur l'embryologie humaine, ainsi que les nouveaux outils développés, ont des implications importantes pour la compréhension des malformations cranio-faciales et des troubles neurologiques, mais aussi pour l'amélioration des stratégies diagnostiques et thérapeutiques », se réjouit Alain Chédotal, directeur de recherche Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) à l'Institut de la vision. Il est l'auteur principal d'une étude visant à améliorer nos connaissances sur le développement de la tête. L'enjeu ? Mieux comprendre les anomalies congénitales. Les résultats sont publiés dans la revue scientifique américaine Cell le 8 décembre 2023.

Connaissances actuelles rudimentaires

La tête est la structure la plus complexe du corps humain. Outre les muscles et la peau qui la protègent, et le cerveau, elle contient notamment des vaisseaux, des nerfs ainsi que des glandes endocrines (qui sécrètent des hormones directement dans la circulation sanguine), comme l'hypophyse, et exocrines (qui sécrètent des substances vers le milieu extérieur), comme les glandes salivaires, qui produisent la salive, ou les glandes lacrymales, qui sécrètent les larmes. Les connaissances actuelles sont rudimentaires et proviennent d'études réalisées pour la plupart dans la première moitié du vingtième siècle. Ainsi, bien que des malformations de la tête existent chez environ un tiers des bébés présentant des anomalies congénitales, les mécanismes qui contrôlent le développement de la tête humaine sont encore mal compris.

Rendre les organes transparents

Pour apporter un nouvel éclairage, l'équipe du docteur Alain Chétodal* a utilisé une méthode de microscopie innovante appelée « transparisation » car elle permet de rendre les organes transparents à la lumière. L'échantillon transparisé est ensuite imagé en 3D à l'aide d'un microscope spécial qui scanne avec une fine feuille de lumière laser. Ce procédé permet de localiser in situ les cellules qui constituent les tissus embryonnaires. Les chercheurs sont parvenus à appliquer cette technique à des embryons à différents stades de développement, issus d'une biobanque de tissus humains. Grâce aux clichés obtenus, ils ont pu dresser la première carte tridimensionnelle de la tête de futurs bébés, à l'exception du cerveau qui n'est pas étudié dans ces travaux.

Naviguer virtuellement dans des embryons

Dans un second temps, les chercheurs ont utilisé la réalité virtuelle pour analyser les images 3D et « naviguer » dans les embryons. « Cela a permis de découvrir des caractéristiques jusqu'alors inconnues du développement des muscles, des nerfs et des vaisseaux sanguins crâniens, du crâne et de ses glandes exocrines, explique Alain Chédotal. Les premiers stades de développement des glandes salivaires et lacrymales (ndlr : photo ci-dessus) n'avaient jamais pu être étudiés chez l'être humain auparavant. » Ces travaux « ont permis de commencer à visualiser et à mieux comprendre les mécanismes à l'origine de la mise en place de ces structures extrêmement complexes anatomiquement », ajoute-t-il.

Une plateforme d'images 3D

Les scientifiques ont également développé l'interface web Hudeca.com permettant d'accéder gratuitement aux images obtenues lors de ces travaux mais également à des modèles pour l'impression 3D et à des reconstructions 3D interactives d'embryons. Cette plateforme fournit ainsi de précieuses ressources qui pourront également contribuer à la formation des étudiants en médecine.

Cartographier les cellules de la rétine

Prochaine étape : tenter de cartographier toutes les cellules de certains organes, comme la rétine. « A ce stade, c'est un peu comme si nous avions cartographié les continents et les pays mais qu'il nous restait à positionner les villes et les habitants », explique Alain Chédotal, dont l'équipe va aussi collaborer avec des médecins pour appliquer la technologie à des prélèvements pathologiques.

* composée de chercheurs de l'Inserm, du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et de Sorbonne Université à l'Institut de la vision, de l'Université Claude Bernard Lyon 1 et des Hospices civils de Lyon

Une glande lacrymale d’embryon humain de 12 semaines transparisée.
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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Cassandre Rogeret, journaliste Handicap.fr"
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