Para-surf : "il faut être barge pour affronter les océans"

"Lui c'est les yeux et moi je suis les jambes". Au Pays Basque, Pierrot Gagliano, malvoyant, et Maxime Cabanne, paraplégique, affrontent les vagues ensemble pour briller sous le maillot de l'équipe de France de para-surf, une discipline en expansion

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Par François D'Astier

Les conditions sont chaotiques en ce 29 août 2023 à Anglet, mais la cinquantaine d'athlètes en situation de handicap venus de tout le continent afin de participer à la finale de la ligue européenne de para-surf (PSL) ne se démontent pas face à l'imposante barre du spot des Sables d'Or. Parmi eux, Maxime Cabanne, dit "Maixi", membre de l'équipe de France depuis 2015 et devenu paraplégique quatre ans plus tôt à la suite d'un accident de voiture, s'élance dans l'eau dans la catégorie "kneel" (surf en position agenouillée ou assise, ndlr). De l'autre côté de la digue, Pierrot Gagliano, qui voit très partiellement et uniquement d'un oeil, est poussé par un guide et affronte trois adversaires lors d'une autre série réunissant des malvoyants comme lui. Pour ces deux amis, qui arpentent quotidiennement la côte basque ensemble en quête de rouleaux, l'objectif de la journée est surtout de se mesurer à leurs futurs concurrents avant les Mondiaux organisés en novembre 2023 aux Etats-Unis.

Affronter les océans

Sur la plage, Patrick Florès, entraîneur de l'équipe de France valide pendant près de 30 ans et à la tête de celle de para-surf depuis la fin des JO au Japon en 2021, observe attentivement les deux garçons, les encourage et leur donne des conseils. "Après Tokyo, j'avais un peu perdu la grinta. Mais quand tu vois leur détermination... Le surf, c'est déjà un sport compliqué, il faut être barge pour aller affronter les océans. Eux ils ont le courage d'y aller avec des handicaps lourds", explique, admiratif, le père de Jérémy Florès, surfeur français le plus décoré sur le circuit professionnel.

Presque aveugle

A l'eau, Pierrot ne voit quasiment rien, il n'a pas de notion de distance, ni de relief. Passionné de sports extrêmes depuis l'enfance, il a surfé pendant longtemps dans son coin "avec des potes" qui lui décrivaient les conditions météo. "Je n'ai jamais vu, donc je ne peux pas vraiment décrire mon surf mais c'est beaucoup au ressenti. Je vais chercher la vague là où j'aperçois une masse sombre, c'est généralement là où elle creuse et a le plus de puissance", détaille le Biarrot de 22 ans aux cheveux frisés mi-longs. Après une première compétition en 2020, il devient accro et enchaîne les bons résultats, jusqu'à partager la chambre de "Maixi" lors des Mondiaux par équipes 2022 en Californie, pour un coup de foudre amical.

"Je cherchais quelqu'un d'aussi motivé que moi. Et il me faut souvent un binôme pour rapprocher le fauteuil du sable. Ensuite je peux ramer pour partir. On se retrouve ensuite à l'eau et là je peux lui donner des indications", résume Maxime Cabanne, 30 ans.

6 centres Handisurf

"Le surf, c'est une thérapie pour nous deux. T'es concentré sur les vagues et tu ne penses à rien d'autre. Le courant est passé tout de suite entre nous", explique le Bayonnais, représentant des athlètes de l'association nationale Handisurf, qui œuvre à promouvoir la pratique en France. Créée en 2012, Handisurf gère désormais six centres de perfectionnement et a assuré la formation de près de 500 professionnels habilités à prendre en charge et entraîner des débutants à l'eau. "Le développement du haut niveau a commencé en 2015 avec les premiers Mondiaux de parasurf et on a été reconnus sport de haut niveau l'année dernière", remarque le président de l'association depuis son lancement Jean-Marc Saint-Geours. Désormais, l'équipe de France est composée de 18 athlètes, à parité hommes-femmes. "Ce que j'aime, c'est créer un esprit de groupe solidaire", raconte M. Saint-Geours.

Aux Jeux de Los Angeles 2028 ?

Et lorsque Maixi sort de l'eau à l'issue de sa 2e série du jour, Pierrot l'attend sur la plage et le porte sur son dos jusqu'aux tentes de la compétition. "Lui c'est les yeux et moi je suis les jambes, mais on trouve de toute façon toujours quelqu'un pour aider", affirme Pierrot Gagliano, vainqueur de l'étape dans sa catégorie. Si la discipline n'a pas encore fait son apparition aux Jeux paralympiques, les athlètes de l'équipe de France espèrent que ce sera chose faite en 2028 à Los Angeles. Y participer "serait un rêve et une récompense incroyable", confie Maxime Cabanne (Lire : Jeux de Los Angeles 2028 : le calendrier (déjà) dévoilé !).

© FFSurf : photo de Maxime Cabanne, surfeur paraplégique, à genou sur sa planche

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