États d'âme CNH : " Aux marches du Palais... j'ai rêvé ! "

Commentée de façon très sceptique par les associations, que retirer de la 3ème Conférence nationale du handicap ? États d'âme de Jean-Luc Simon, président du GFPH*. Encore bien des clichés à bannir...

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Illustration article États d'âme CNH : " Aux marches du Palais... j'ai rêvé ! "

Reçus par l'entrée principale, les représentants « voiturés » ont pu rouler sur les gravillons de la cour d'honneur sans trop d'encombre grâce à un tapis gris, le rouge étant réservé à de plus honorifiques occasions ou personnages, puis ils ont gravi les marches du Palais grâce à l'un de ces exécrables monte-escaliers à la technicité désuète, « aide » technique qu'on trouve souvent en panne et qui, quand elle fonctionne, est plus compliquée à manipuler qu'un ascenseur ordinaire, avec une manette ou un gros bouton qu'il faut maintenir appuyé jusqu'à ce que la plateforme ait effectué sa « leeeente montééééeeee ». Au moins celui-là ne couine pas !

Si j'étais ministre…

Mon élévation me laisse le temps d'un rêve, celui de tous les ministres empruntant cette horrible solution technique à l'occasion d'un Conseil, les uns derrière les autres, attentant que le précédent soit arrivé et la plateforme revenue. Dans ce rêve, le Conseil des Ministres décide immédiatement et à l'unanimité un plan d'investissement pour accélérer la mise au point et la production de solutions intégrées et utilisables par tous pour surmonter les obstacles architecturaux. Ce plan est adossé à une loi qui permet enfin de réconcilier les lieux de leur Histoire avec les Français d'aujourd'hui, et le Palais de l'Élysée sera le premier à faire inscrire la modernité dans la plus médiatique des façades de la République… « Attention, Monsieur ! » Zziiing… Chalc ! Aïe, l'alerte des Huissiers et les bruits de « la machine qui monte » me ramènent à la réalité après quelques derniers soubresauts. Me voilà arrivé ! Après avoir laissé pelisse au vestiaire, je suis donc invité à rejoindre l'écrin doré du salon où se tient la 3e Conférence nationale du handicap, un sujet de société élevé au rang des plus importants. Mais, là aussi, la montée est lente.

Des décisions « raisonnables »

Le relevé des conclusions de cette Conférence nationale du handicap (en lien ci-dessous) est à l'image de ce Gouvernement, raisonnable, très raisonnable. Et si, derrière le pragmatisme affiché, se révèlent quelques initiatives stimulantes et sainement simplificatrices, le ton de l'ensemble est loin des attentes et des promesses ressassées depuis plus de 40 ans. Pour les bonnes annonces, ce qui est fait pour l'éducation va dans le bon sens, une mesure pour l'entreprenariat est encourageante, quelques mesurettes apportent d'opportunes simplifications qui coûtent peu, ce qui est le ton de l'ensemble, et deux ou trois initiatives ouvrent le droit à un public élargit mais n'auront pour autre conséquence que de saturer les MDPH et les administrations préfectorales et donc d'allonger des délais de traitement déjà dissuasifs pour beaucoup.

La messe est dite sur l'accessibilité

Rien n'est dit ou, plutôt, « la messe est dite » sur l'accessibilité, et la question du logement est éludée avec un crédit d'impôt qui soutient malaisément ceux qui n'en paient pas. Malgré sa place centrale dans le titre de la loi de 2005, la participation des personnes concernées, a été anecdotique, voire caricaturale. Tout d'abord, l'avis du CNCPH sur le projet d'ordonnance sur l'accessibilité a été foulé du pied et l'institution décrédibilisée. Que veut dire cette morgue ? Il convient de rappeler que si « ce qui est bon pour nous est bon pour tous » il est en de même pour l'inverse, et que le Président de la République valide ici l'affaiblissement d'une Institution… dont il est le garant.

Une population qui demande des « efforts » ?

Ensuite, le Président, comme ses prédécesseurs, continue à vouloir isoler le coût du handicap, il est même fier de le chiffrer à « 40 milliards d'euros » pour dire tout de suite que « cet effort témoigne de l'engagement de la Nation ». Cette comptabilité isole pour mieux discriminer, elle exprime le souhait d'inclure tout en affirmant que la vie d'une partie de la population a un coût qui demande des « efforts ». Affirmer cela c'est dire implicitement que « faire accessible » demande des efforts et entraîne des coûts supplémentaires ; ce qui est de plus en plus faux et le sera totalement sous peu à la vue des évolutions tant du profil des populations, que des sciences et des technologies.

Une vraie ressource collective

Le dérapage est là, isoler le coût du handicap. Comme si c'était une condition de vie particulière ! Alors que c'est une des conditions de la vie, que de plus en plus d'humains connaissent, ce dont il faut se réjouir car c'est l'une des conséquences des prouesses de la médecine et de l'allongement de la vie. Faire porter les dépenses de l'accessibilité sur les seules épaules des prétendus « 12% » de la population identifiés comme « handicapés » est injuste et stigmatisant, et ne pas citer les milliers d'emplois générés par les rénovations nécessaires, les innovations technologiques, l'économie du secteur médico-social et des services à la personne est malhonnête.

Des représentations à bannir

Monsieur le Président, vous faites appel au pragmatisme et vous avez en cela tout à fait raison mais en annonçant crânement que la France fait un effort important, que vous saluez, vous replongez la Nation tout entière dans les représentations qu'il faudrait quitter. Le résultat est ce que l'on découvre sur le blog RMC/BFM, sous la forme d'une question posée aux lecteurs : « L'État doit-il consacrer plus de fonds publics pour adapter les infrastructures ? ». Comme si l'accessibilité ne concernait que quelques-uns alors que, de toute évidence, elle sert le plus grand nombre, prévient les accidents et facilite les évacuations d'urgence.

Le droit à participer

Laissez-moi rêver encore une fois, Monsieur le Président, croire en un État qui déciderait de financer la recherche pour surseoir aux collectes charitables, un État qui interrogerait le droit au regard de l'expérience et des avis des citoyens concernés, comme celles et ceux que vous désignez fort justement comme « dits handicapés » à propos des droits liés à la fin de vie. Tout en prévenant des ruptures déjà exprimées, s'appuyer sur leurs expériences aurait été phase avec la Convention, tout en donnant du sens et un centre au titre de la loi de 2005 pour « l'égalité des chances, la participation et la citoyenneté ».

* GFPH : Groupement français des personnes handicapées

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