Faire de 2025 l'année européenne des femmes et des filles en situation de handicap, c'est l'ambition de Sarah Rocha, vice-présidente du comité des femmes du Forum européen des personnes handicapées (EDF), et d'Ana Peláez, présidente de la commission de l'ONU pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes. Contre toute attente, en France par exemple, les femmes représentent 56 % de l'ensemble des personnes handicapées (contre 52 % pour la population, données Insee 2018), davantage touchées par des pathologies et maladies chroniques invalidantes. Le 29 novembre 2023, lors d'une réunion commune à Bruxelles (Belgique), impliquant les commissions des libertés civiles (LIBE) et des droits de la femme et de l'égalité de genre (FEMM) du Parlement européen, ces deux militantes ont réclamé une action concrète pour améliorer le quotidien des 60 millions d'Européennes concernées. Leitmotiv ? Elles sont deux à cinq fois plus susceptibles de subir des violences.
Violences sexuelles et stérilisation forcée
« Une femme autiste sur trois a été victime de viol », plaide Ana Peláez en préambule. Et de poursuivre : « Une femme handicapée sur deux a été victime de violences psychologiques au sein de son couple ». La stérilisation forcée, que les eurodéputés souhaitent ajouter à la liste des agressions dans la directive visant à lutter contre les violences faites aux femmes (13211/35), a également été un sujet majeur. Sarah Rocha a apporté un éclairage sur la situation au Portugal, son pays d'origine, l'un des trois de l'Union européenne -avec la République tchèque et la Hongrie- autorisant encore cette pratique sur les mineures. Elle a notamment révélé que certaines d'entre elles étaient forcées ou trompées pour subir une stérilisation, souvent sans leur consentement ou avec de fausses informations. « Une violation flagrante des droits humains ! », dénonce-t-elle. En septembre 2022, l'EDF publiait déjà un rapport sur ce sujet (Lire : Stérilisation forcée : des pratiques controversées en Europe). Un an plus tard, la situation semble toujours aussi alarmante...
Discriminations multiples
Les femmes handicapées sont également confrontées à « une discrimination multiple et intersectionnelle » dans tous les domaines de la vie, y compris les désavantages socio-économiques, l'isolement social, l'avortement, le manque d'accès aux services communautaires, le logement de mauvaise qualité, l'institutionnalisation, les soins de santé inadéquats et « le déni de la possibilité de contribuer et de s'engager activement dans la société », précise l'EDF. En effet, 23 % sont exposées au risque de pauvreté, contre 20 % des hommes handicapés et 16 % des femmes non handicapées, tandis que 15 % obtiennent leur diplôme d'études supérieures (contre respectivement 18 % et 31 %) et 20 % occupent un emploi à temps plein (VS 28 % et 48 %). Le manque de reconnaissance des souffrances spécifiques de ces femmes, telles que les difficultés liées à l'hygiène personnelle pendant les menstruations, l'accès aux soins gynécologiques et lors des accouchements, avec un recours important aux césariennes, ont également été pointés lors de cette réunion.
Participer à la construction des politiques publiques
Loin d'être une initiative purement symbolique, sacrer 2025 « année des femmes handicapées » viserait à « sensibiliser, éduquer et promouvoir des politiques inclusives et équitables ». Mme Peláez, qui y voit un « moment charnière », a en outre insisté sur la nécessité d'un contrat social entre l'Union européenne, ses Etats membres et les femmes et filles handicapées. Objectif : restaurer leur confiance dans les institutions et garantir leur participation active dans l'élaboration des politiques publiques. Elle souligne également « l'urgence de rendre des comptes face à la persistance des violences ».