Le 16 novembre 2020 au matin, juste avant l'ouverture de la 24e Semaine européenne pour l'emploi des personnes handicapées (SEEPH), Jean Castex réunit autour de lui des ministres pour le premier Comité interministériel du handicap de son mandat. Pour la première fois, les acteurs concernés y seront associés. « Cette réunion témoigne de la volonté de Jean Castex d'échanger avec les associations représentant les personnes handicapées », s'est réjoui dans un tweet le Collectif handicaps qui regroupe 48 d'entre elles. Si des annonces sont attendues, les associations ont pris les devants pour faire leurs propres suggestions avec l'objectif d'orienter la politique handicap d'ici la fin de ce quinquennat. Rappelant qu'Emmanuel Macron avait placé le handicap parmi ses « grandes causes », elles attendent des « actes forts ».
Difficultés exacerbées par la crise
D'autant que la crise sanitaire a exacerbé les difficultés vécues par les personnes en situation du handicap et leurs aidants familiaux : isolement, fatigue, manque de moyens humains et financiers, non-respect de la législation... « Entre promesses du gouvernement et réalités sur le terrain : à quand des moyens humains et financiers pour une réelle transition inclusive ? », questionne l'Unapei (association dédiée aux personnes avec un handicap intellectuel). Observant que les inégalités se sont creusées depuis le printemps, cette dernière, ainsi que l'Apajh, listent leurs priorités, avec des points de convergence communs de longue date.
La nouvelle branche Autonomie
En premier lieu, faisant écho à l'actualité, tous se demandent quelle place aura le handicap dans la grande concertation pour bâtir ensemble la nouvelle branche Autonomie de la Sécurité sociale, avec un 5e risque dédié qui a vu officiellement le jour le 7 août 2020 (article en lien ci-dessous). Dans ce contexte, les associations réclament la création d'une « Prestation universelle autonomie sans barrière d'âge et sans reste à charge pour les personnes en situation de handicap et âgées ». Vieux serpent de mer, elles militent également sans relâche pour la suppression de la prise en compte des ressources du conjoint dans le calcul de l'AAH (Allocation adulte handicapé). La reprise d'une négociation « sérieuse et non dogmatique » sur le sujet du revenu universel d'existence figure, elle aussi, parmi les revendications. D'autant que, selon l'Apajh, la crise actuelle « va renforcer durablement la pauvreté, et singulièrement celle des personnes en situation de handicap ».
MDPH et école inclusive
Autre priorité : réduire les grandes inégalités territoriales en termes d'accès aux droits, de fonctionnement des Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), d'accès à des réponses d'accompagnement… Des disparités sont encore manifestes selon les départements. C'est aussi l'école inclusive qui est au cœur des préoccupations, l'Apajh appelant à des « solutions de scolarisation de qualité et pérennes » alors que de nombreux élèves en situation de handicap sont toujours « privés d'école », selon l'Unapei ; cette dernière a mis en ligne le site marentree.org sur lequel affluent de nombreux témoignages de familles dans l'impasse. Un comité de suivi de l'école inclusive a eu lieu le 9 novembre 2020 et l'association déplore que « les ministres se soient absentés au moment du débat avec les acteurs de terrain ».
Pénuries dans le médico-social
Rendue encore plus urgente par le contexte de crise sanitaire actuel, qui provoque une fuite des forces vives du handicap vers le domaine sanitaire, plus « alléchant » (article en lien ci-dessous), une « juste valorisation des métiers du médico-social » est réclamée. Selon l'Apajh, ces professionnels ont « démontré leur engagement exceptionnel auprès des plus vulnérables ». Credo commun pour faire face à cette pénurie et permettre une meilleure reconnaissance de ces « invisibles » : revaloriser les salaires pour favoriser l'attractivité des métiers du « prendre soin » et ainsi répondre aux besoins de recrutement de demain, toujours plus importants.
Plus de solutions d'accompagnement
Un autre cap est à consolider, « le développement de l'offre de services » pour « mieux répondre aux choix de vie des personnes », selon l'Apajh, afin qu'elles soient « actrices de leurs décisions », renchérit l'Unapei. En février 2020, lors de la Conférence nationale du handicap, Luc Gateau, président de l'Unapei, avait interpellé Emmanuel Macron : « Quelles mesures vont être mises en œuvre pour que le mot « sans solution » disparaisse du vocabulaire d'ici à la fin du quinquennat ? ». Huit mois après, de nombreuses familles sont toujours en manque d'accompagnement adapté, regrettant que le contexte actuel ne soit un prétexte pour justifier cette inertie.
Un changement sociétal
Enfin, une attention toute particulière doit être portée à l'accès à la culture, aux loisirs et au sport pour les personnes handicapées, qui en sont « encore exclues » selon l'Apajh. De son côté, l'Unapei appelle à des changements majeurs en réclamant « un bouleversement des codes de la société et des représentations relatives aux personnes en situation de handicap ». Tandis que le GFPH (Groupement français des personnes handicapées) revendique la « participation effective des personnes dites 'handicapées' à la mise en œuvre des politiques qui les concernent », notamment via la pairémulation.
Ces requêtes seront-elles entendues ? Verdict le 16 novembre vers midi. Le dernier CIH en date s'est tenu le 3 décembre 2019, en présence d'Edouard Philippe (article en lien ci-dessous). 22 mesures avaient été annoncées et la plupart mises en œuvre en 2020.