"Vers une mise en péril de l'emploi des personnes handicapées en EA ?" C'est ce que redoutent l'Union nationale des entreprises adaptées et des associations représentatives du secteur adapté (Unapei, APF…). L'UNEA, qui les fédère sur l'ensemble du territoire, manifeste son incompréhension quant aux dispositions prévues dans le projet de loi de finances 2018, les jugeant "hautement préjudiciables pour l'emploi des personnes handicapées et la viabilité même du modèle de l'entreprise adaptée". Rappel des faits…
Des aides en baisse... ou pas ?
Le gouvernement s'est engagé, en mars 2017, à soutenir la création de 7 500 emplois supplémentaires entre 2017 et 2022 représentants plus de 60 000 contrats dans le cadre d'un nouveau "contrat de développement responsable et performant du secteur adapté". Or, selon l'Unéa, le PLF 2018 contredit cet engagement en "réduisant significativement les financements" du secteur. Les 1 000 nouvelles aides au poste (égale à 80 % du Smic pour un temps plein), ont bien été programmées mais, à compter du 1er juillet 2018, l'enveloppe globale d'aide serait réduite pour les 22 000 aides au poste déjà existantes (permettant d'employer 26 000 personnes au total en tenant compte des emplois à temps partiel et de l'absentéisme). L'enveloppe globale de l'AAP baisserait ainsi de près de 4 %. De son côté, la subvention spécifique, qui finance notamment le suivi socio-professionnel, l'accompagnement et la formation spécifiques de la personne handicapée, pour favoriser son adaptation à son poste de travail (en moyenne 1 600 euros par personne et par an), serait rognée de 22%. De son côté, le cabinet du secrétariat en charge du handicap répond que l'aide au poste progresse de 12 M€ tandis que les crédits consacrés à la subvention spécifique diminuent de 8 M€ : le budget de l'aide aux EA augmente donc de 4 M€ en 2018 par rapport à 2017. En effet, admet l'Unéa mais, "pour financer les 1 000 nouveaux postes et la hausse du SMIC, il aurait fallu une augmentation de 21,90 M€". L'association déplore donc une annonce en "trompe-l'œil".
Aucune économie
Dans ce contexte, elle appelle le gouvernement et les parlementaires "à remettre le texte sur les bons rails", rappelant qu'aujourd'hui 500 000 travailleurs en situation de handicap sont sans emploi. Elle avance que ces choix budgétaires ne permettent en aucun cas de faire des économies. Pour 1 000 aides au poste créées, soit 14 millions d'euros engagés, l'économie budgétaire moyenne liée au retour à l'emploi est de 27 millions d'euros (source étude KPMG 2016 – la valeur ajoutée économique et sociale des entreprises adaptées). Ce qui signifie que "chaque fois qu'un demandeur d'emploi handicapé retrouve un emploi dans une EA, cela représente une économie moyenne annuelle de 10 000 euros pour la collectivité", selon l'Unéa.
Risque de faillites ?
Stéphane Foisy, son président, dénonce une "mesure grave parce qu'elle méconnait la réalité de l'entreprise adaptée et de ses 26 000 salariés". Il "alerte sur une décision qui laisse à penser que l'aide au poste est une variable d'ajustement". Or, selon lui, c'est "l'outil de financement de la compensation du handicap du salarié, compensation nécessaire à toute inclusion durable dans le monde du travail". Il affirme que la baisse de l'aide au poste et de la subvention spécifique fait porter le risque de fragiliser la compétitivité du secteur et de conduire bon nombre de structures à la faillite en quelques mois.
Négociations en cours ?
L'Unéa alerte donc le gouvernement en vue des débats parlementaires sur la mission "travail et emploi" qui débuteront à l'Assemblée nationale le 31 octobre 2017. Le cabinet de Sophie Cluzel (handicap) affirme "qu'un travail est engagé entre les services du ministère du travail et les représentants des entreprises adaptées pour rénover les modalités de financements de l'aide au poste et simplifier les modalités d'attribution de la subvention spécifique". Cette réforme sera concertée pour entrer en vigueur dans le courant de l'année 2018, conformément à la mesure annoncée lors du CIH (Comité interministériel du handicap) du 20 septembre 2017 (article en lien ci-dessous) : "rénover le secteur adapté et expérimenter des mesures favorables au recrutement de travailleurs handicapés en entreprise". Avec un dénouement favorable sur le volet financier dès 2018 ? Stéphane Foisy reste septique...