DERNIERE MINUTE DU 3 AVRIL 2023
Devant les 184 membres de la Convention citoyenne sur la fin de vie, réunis à l'Élysée le 3 avril 2023, Emmanuel Macron a annoncé vouloir une nouvelle loi sur le sujet "d'ici la fin de l'été". "En lien avec les parlementaires", avec "toutes les parties prenantes et sur la base des conclusions" rendues le 2 avril par la Convention citoyenne, le chef de l'État entend bâtir ce qu'il a appelé un "modèle français de la fin de vie". Il indique vouloir "un plan décennal national pour la prise en charge de la douleur et le développement des soins palliatifs". Le "premier pilier de la réponse" qu'il souhaite apporter aux conclusions de la Convention citoyenne est celui de mieux faire appliquer du cadre existant sur la fin de vie "avec les investissements qui s'imposent".
Emmanuel Macron a renvoyé au gouvernement et aux parlementaires la tâche de définir le contenu de la nouvelle loi, mais en posant des limites. Parmi elles, la nécessité de "garantir l'expression de la volonté libre et éclairée", de la "réitération du choix", "l'incurabilité de souffrances réfractaires, psychiques et physiques, voire l'engagement du pronostic vital". Le président a également fermé la porte à toute aide à mourir pour les mineurs. Charge donc au gouvernement, députés et sénateurs, de mener de manière "transpartisane" une "œuvre de co-construction, sur la base de cette référence solide qui est celle de la Convention citoyenne et en lien avec toutes les parties prenantes", a ajouté Emmanuel Macron.
ARTICLE INITIAL DU 3 AVRIL 2023
Le chef de l'Etat reçoit dans la matinée du 3 avril 2023 les 184 membres de la Convention, des citoyens tirés au sort qui ont participé pendant trois mois à d'intenses débats sur la fin de vie. Dans un rapport validé le 2 avril 2023, ils ont répondu "oui" aux trois-quarts à une aide "active à mourir", concrètement le suicide assisté ou l'euthanasie, en assortissant toutefois leurs positions d'importantes restrictions.
Vers une nouvelle loi ?
Le président de la République va "tirer les conclusions de ce travail et tracer les voies d'un Acte II dans ce débat national", a indiqué l'Elysée. Il pourrait annoncer une nouvelle loi, la voie du referendum n'étant en principe pas ouverte pour ce type de questions sociétales, souligne l'Elysée. La législation actuelle, fixée par la loi Claeys-Leonetti de 2016, permet aux soignants de mettre sous sédation irréversible des patients proches de la mort, dont les souffrances sont intolérables. Mais elle ne va pas jusqu'à autoriser une assistance au suicide (le patient s'administre lui-même le produit létal) ou l'euthanasie (un soignant l'injecte). L'exécutif, qui s'était vu reprocher d'avoir largement négligé les conclusions d'une précédente Convention sur le climat, a déjà prévenu qu'il ne reprendrait pas telles quelles celles sur la fin de vie. Les membres de la Convention "ne décident pas à la place des autorités qui ont la légitimité pour le faire" mais "leurs conclusions sont importantes et elles seront prises en considération", assure l'Elysée.
Sujets bloquants
Un organisme consultatif, le Comité d'éthique (CCNE), a déjà ouvert la voie en septembre 2022 à une évolution en jugeant possible - sous de nombreuses conditions - de légaliser cette aide active à mourir (Lire : Fin de vie assistée : vers une nouvelle loi en France? ). Selon la Convention, un tel acte nécessite que le patient ait auparavant bénéficié d'un accompagnement approfondi, et qu'il ait pu à tout moment exprimer sa volonté. Ce qui pose la question des patients manquant de discernement. Sur ce sujet, comme sur celui de l'ouverture de l'aide à mourir aux mineurs, la Convention ne s'est d'ailleurs pas prononcée. "Ce sont deux sujets très bloquants, il n'y a pas forcément un intérêt à aller plus loin en la matière", relève l'Elysée, semblant vouloir mettre de côté ces deux points. Autre sujet sur lequel le président pourrait être amené à se prononcer : la Convention plaide pour un développement des soins palliatifs, notamment dans les EHPAD, avec plus d'unités mobiles à travers le territoire.
Vives réactions politiques
Si la légalisation de l'euthanasie et du suicide assisté met d'accord la gauche et une partie du centre, elle suscite de vives réticences à droite. Marine Le Pen a réclamé le 2 avril sur LCI des "moyens pour les soins palliatifs", annonçant qu'elle voterait "contre" une loi favorisant l'euthanasie. A l'inverse, Jean-Luc Mélenchon s'est prononcé sur France 3 pour cette "liberté supplémentaire", demandant l'organisation d'un référendum, "le plus raisonnable", selon lui.
Tensions dans la société
Le risque est aussi de réactiver une source de tensions dans la société, déjà ébranlée par la crise des retraites. Dans un sondage publié dimanche par le JDD, réalisé auprès d'un millier de Français, une majorité (70 %) se dit en faveur d'une aide active à mourir. Mais seuls 36 % envisagent de recourir à l'euthanasie s'ils étaient atteints d'une maladie douloureuse et incurable. Le président, qui avait semblé initialement très partant pour "bouger" sur la fin de vie, recherche désormais une voie moyenne, estime Christian Krieger, représentant des protestants de France, après un dîner sur le sujet à l'Elysée. Sa position personnelle reste une inconnue, tant il a pris soin ces derniers mois de ne rien dire de ses intentions.