« Je tiens à vous informer, par la présente, de mon décès dans la dignité, dans le cadre d'une procédure de suicide assisté en Suisse », écrit Alain Cocq dans une lettre ouverte adressée au Président de la République, au gouvernement et aux parlementaires et diffusée par ses soutiens. Ce Dijonnais avait été diagnostiqué à 23 ans d'une maladie orpheline aussi incurable que douloureuse, qui l'a conduit à vivre pendant 35 ans « en soins palliatifs », selon ses termes (articles en lien ci-dessous).
2 grèves des soins et de la faim
"Il a pris un cachet. Cela a été très rapide. C'est chose faite et c'est une très bonne chose qu'il soit parti comme il le souhaitait", a déclaré à l'AFP François Lambert, un de ses proches qui est aussi avocat et neveu de Vincent Lambert, autre cause célèbre des partisans de l'euthanasie (article en lien ci-dessous). Clamant son droit à ne plus souffrir, le Dijonnais avait tenté à deux reprises, courant 2020, de se laisser mourir, en faisant la grève des soins et de la faim, mais il avait dû renoncer face à des douleurs insoutenables (article en lien ci-dessous). Il avait alors annoncé son intention de se rendre en Suisse, où le suicide assisté est légal. Une association, dont il avait tu le nom, lui avait proposé de financer les "8 000 à 10 000 euros" nécessaires. "Il est mort avec grande sérénité. Cela a été extrêmement rapide", a témoigné Jean Luc Romero, président de l'Association au droit à mourir dans la dignité (ADMD), qui a assisté aux derniers instants de M. Cocq."Il était très déterminé. Il a ouvert le robinet de la perfusion, il a fait une blague et s'est endormi", a-t-il déclaré à l'AFP, de retour dans le train de Berne où M. Cocq s'est donné la mort.
"Manque de courage politique"
Dans sa "lettre d'outre-tombe", M. Cocq prend d'abord à partie le Président de la République Emmanuel Macron qui avait refusé en août de donner l'autorisation au corps médical de lui prescrire, à titre compassionnel, du pentobarbital, un barbiturique puissant qui lui aurait permis de "partir en paix". Le malade y dénonce ensuite le "manque de courage politique" du gouvernement, accusé d'avoir refusé "de mettre à l'ordre du jour un projet de loi sur la fin de vie dans la dignité, que ce soit par le suicide assisté lorsque la personne est consciente, ou par euthanasie lorsque la personne n'est plus en capacité de s'exprimer".
"Archaïsme du Sénat"
Malgré un large appui, une proposition de loi ouvrant un droit à "une fin de vie libre et choisie" du député Olivier Falorni (groupe Libertés et territoires) n'avait pu être adoptée dans un temps contraint en avril face à des milliers d'amendements déposés par quelques élus LR. "Je tiens à féliciter Mesdames et Messieurs les députés qui ont eu le courage et la conscience de voter pour l'article 1 du projet de loi de M. Falorni", ajoute M. Cocq, avant de "fustiger l'archaïsme du Sénat" qui a rejeté "un projet de loi similaire".
Loi Leonetti, une "aberration française"
Malgré ses souffrances, Alain Cocq ne pouvait bénéficier de la loi en vigueur, dite Claeys-Leonetti, adoptée en 2016 ; cette dernière autorise "la sédation profonde et continue, pouvant aller jusqu'à la mort" mais uniquement pour des personnes dont le pronostic vital est engagé "à court terme". Cette loi est une "aberration française, que nul autre pays au monde n'a adoptée et qui laisse de côté les malades atteints de maladies neurodégénératives", estime dans un communiqué l'Association au droit à mourir dans la dignité (ADMD). "Ces morts à l'étranger sont indignes de notre pays car à la souffrance générée par la fin de vie s'ajoute l'exil, seulement accompagné de quelques proches", ajoute l'ADMD. M. Cocq interpelle également les candidats à l'élection présidentielle 2022 et leur demande s'ils sont "prêts à soutenir un projet de loi relatif à la fin de vie dans la dignité dans lequel serait défini tant le suicide assisté que l'euthanasie". "Quant à moi, d'où je serai, je ne manquerai pas de vous observer tous", lance M. Cocq, très politique jusqu'à ses derniers instants.