Comment connaître les directives anticipées de fin de vie d'une personne handicapée « dyscommunicante » ? Alors que la Convention collective sur la fin de vie, constituée en décembre 2022, a voté ses premières orientations le 5 mars 2023, le Collectif handicaps s'inquiète de la place donnée aux personnes handicapées au sein de ce débat public. Ce regroupement de 52 associations nationales dans le champ du handicap signe donc un plaidoyer avec plusieurs recommandations pour « faire avancer le débat et participer à l'évolution des mentalités et des pratiques » au sujet des personnes handicapées en fin de vie ou en soins palliatifs. Comment les accompagne-t-on ? Peut-on prendre la décision pour autrui ; et, si oui, qui doit avoir le dernier mot ? Comment protéger ces personnes de décisions hâtives et précipitées ? En dix points, le collectif a tenté de répondre à ces questions éthiques qui « ne semblent pas, pour l'instant, abordées dans les instances travaillant sur l'éventuelle modification du cadre d'accompagnement de la fin de vie », selon lui.
Améliorer le cadre actuel
En effet, la Convention collective sur la fin de vie s'est majoritairement exprimée en faveur d'une amélioration du « cadre actuel d'accompagnement de la fin de vie » en développant notamment les soins palliatifs. Si les questions de financement de la recherche pour mieux soulager la douleur et du développement de l'accompagnement des mourants par des psychologues ont été abordées, en revanche, rien n'a été dit sur la thématique du handicap. « Que la loi sur la fin de vie évolue ou non, il faut qu'elle garantisse à chacun le respect des droits universels (liberté d'expression, dignité, droit de ne pas subir d'acharnement thérapeutique, etc.) », martèle le collectif. Or, « pour que les personnes en situation de handicap exercent ces droits, des prérequis sont encore nécessaires », poursuit-il. Parmi les réflexions soulevées, il demande en premier lieu un meilleur accès à l'information, tant du côté des personnes handicapées et de leur famille que de celui des professionnels qui les accompagnent.
Généraliser la communication alternative adaptée
« Le corps médical prend rarement le temps d'utiliser de nouveaux moyens/codes de communication. Ce sont les proches (ainsi que les professionnels de l'accompagnement) qui créent des outils appropriés, pour permettre à la personne d'exprimer ses besoins/volontés et de comprendre sa situation », explique le collectif. Pour leur éviter cette charge mentale supplémentaire, il milite notamment pour que les pros de la santé et du médico-social soient formés à l'utilisation de la communication alternative et adaptée (CAA) (Lire : Handicapés verbaux: un plaidoyer pour leur donner de la voix). Côté patients, ceux-ci doivent bénéficier d'un meilleur accès au dispositif des directives anticipées, « un outil souvent mal connu et peu abordé notamment dans le cadre des projets d'accueil individualisés ». Ils doivent aussi pouvoir facilement désigner une personne de confiance. L'objectif : « Mettre tout en place pour permettre à tous, notamment pour les personnes qui ne peuvent se représenter elles-mêmes, de comprendre la situation et les solutions possibles, en leur laissant du temps pour appréhender la situation et choisir, tout en passant par des moyens de communication adaptés à chacun ».
Former le médico-social à la culture palliative
Autre piste de travail : la lutte contre les inégalités d'accès aux soins palliatifs. « Un patient en situation de handicap doit être accueilli comme tout-un-chacun et traité dans les meilleures conditions possibles », rappelle le collectif qui souhaite « inscrire dans la loi que les personnes en situation de handicap en fin de vie ne doivent pas se voir réserver un traitement 'à part' ». Or, aujourd'hui, la méconnaissance du handicap dans les services de soins palliatifs contribue à renforcer ces situations d'inégalité et « pèse sur la qualité de la prise en charge ». A l'inverse, les professionnels du médico-social sont peu formés à la question du droit à mourir dans la dignité. Pour une meilleure « individualisation des parcours de soins et d'accompagnement », le collectif recommande également une amélioration du cadre de travail dans les établissements médico-sociaux avec « plus de temps » pour chaque personne, notamment lors de l'annonce d'un diagnostic engageant le pronostic vital, et « plus de moyens » humains et matériels. « La rationalité économique ne doit pas primer sur l'éthique », souligne-t-il. L'objectif : être dans la bientraitance jusqu'au bout. Une culture palliative doit donc être entretenue dans ces structures d'accueil adaptées. Pour ce faire, des partenariats avec des unités de soins palliatifs devraient être renforcés. L'accompagnement psychologique doit également être systématique auprès des professionnels mais aussi des familles, dont le rôle et la souffrance ne doivent pas être minimisés, préconisant la participation à des groupes de paroles. L'amélioration des méthodes d'annonce, d'écoute et de suivi des proches sera également requise.
Eviter une protocolisation de la fin de vie
Le Collectif n'oublie pas de mentionner les différentes situations particulières qui jalonnent la fin de vie. Car qui dit handicap dit adaptation au cas par cas. « Par-dessus tout, il faut éviter une protocolisation de la fin de vie, qui ne prendrait pas en compte les désirs de la personne et de son entourage », préconisent les associations. La loi en serait le meilleur garant, notamment en matière d'arrêt de la nutrition et de l'hydratation artificielles. Pour éviter abus et souffrances, le Collectif handicaps demande à « en préciser les conditions dans le code de la santé publique », afin de « prendre en compte les situations des personnes pour qui l'alimentation/hydratation artificielle est un acte de la vie quotidienne ».
Fin du débat le 2 avril 2023
D'autres situations particulières doivent également retenir l'attention des législateurs, celle des enfants en situation de handicap. « Il ne faut pas penser la fin de vie qu'au regard de l'avancée en âge », peut-on lire dans le plaidoyer qui mentionne la charte de l'enfant malade de la Convention des Nations unies « pour mieux informer et écouter les mineurs en fin de vie ou en soins palliatifs ». Au sujet des personnes handicapées sous tutelle, le collectif incite à modifier la loi « pour leur permettre de nommer une personne de confiance pour remplir leurs directives anticipées sans passer par le juge des tutelles ».
Pour savoir si la Convention collective sur la fin de vie prendre en compte ces requêtes, rendez-vous le 2 avril 2023. A cette date, les 184 participants à ce dispositif de démocratie participative rendront leur copie au gouvernement qui pourra ensuite réformer le cadre légal. Ou pas !