Albinisme : un handicap aux multiples facettes

1 personne sur 20 000 atteinte d'albinisme dans le monde. Une maladie encore synonyme de persécutions, surtout en Afrique, et qui, en plus de son retentissement physique, s'accompagne de handicaps invisibles. Une journée fait le point le 31 mars.

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Quand Maëlle ouvre les yeux pour la première fois, après quelques semaines en couveuse suite à une naissance prématurée, sa mère remarque une différence. Deux billes « rousses, comme des feuilles d'automne » la fixent. « Étonnant pour une enfant à l'abondante chevelure blonde », s'interrogent alors ses parents. « Votre fille est albinos », leur répond sans détour la pédiatre de l'hôpital.  « Mais ce n'est pas un lapin ! », tempête le couple, qui n'a alors que pour seule représentation de la maladie que le rongeur au pelage blanc et aux yeux rouges.

5 000 personnes en France

Comme Maëlle, aujourd'hui âgée de 31 ans, 5 000 personnes sont atteintes d'albinisme en France et une personne sur 20 000 dans le monde. Mais il concerne 1 personne sur 2 000 dans certains pays d'Afrique et 1 sur 200 dans certaines îles de Panama, d'après les chiffres les plus récents (2014) issus de l'association « Genespoir ». L'albinisme, dont l'étymologie provient du latin « albus », qui signigie « blanc », résulte de mutations génétiques (20 gènes connus) qui affectent la production de mélanine, le pigment responsable de la coloration de la peau, des poils et des cheveux. Cette anomalie génétique héréditaire génère donc, à des degrés variables, une hypopigmentation de la peau, des phanères (cheveux, dents, ongles et poils) et des yeux, allant du blanc platine au roux, brun-clair. Il existe ainsi différents types d'albinisme : oculo-cutané (le plus répandu), oculaire et syndromique.

Victimes d'ostracisme et de discriminations

Caractéristique visible, en particulier dans des régions du monde où la population majoritaire a une pigmentation plus foncée, l'albinisme est souvent synonyme d'ostracisme et de discriminations. « Dondos », « Bedas », « Blafards », « Nègres blancs »… Très longtemps, les personnes albinos ont été affublées de noms péjoratifs. « J'ai reçu des informations très alarmantes selon lesquelles des personnes atteintes d'albinisme avaient été attaquées et enlevées dans deux pays. L'une des victimes était une enfant dont on aurait retiré les yeux et les organes, sans doute dans le cadre d'un rituel, avant de jeter son corps dans une rivière », s'alarmait en mars 2022 Mukuka-Anne Miti-Drummond, experte de l'ONU sur l'albinisme. Outre les attaques et crimes de haine qu'elles subissent, elles doivent composer avec un lot de complications sur le plan physique, certes invisibles mais handicapantes.

5% des malvoyances à cause de l'albinisme

« C'est une souffrance quotidienne », admet Nelly sur le groupe Facebook « Albinisme oculo-cutané et Albinisme oculaire France ». En plus de ressembler à un « cachet d'aspirine quand l'été arrive », la jeune femme déplore « ne pas voir plus loin que son nez, ne pas pouvoir conduire » ou encore « ne pas reconnaître les gens ». Parmi les premières conséquences invalidantes relevées, les manifestations ophtalmologiques constituent en effet « un élément constant, au premier plan dans les pays tempérés », admet la Filière santé maladies rares dermatologiques. Il peut s'agir de myopie, d'hypermétropie mais le plus souvent d'astigmatisme, corrigés à l'aide de verres correcteurs ou de lentilles de contact, couplés parfois à des aides visuelles (loupes, télé-agrandisseur, ordinateur avec logiciel d'agrandissement). L'albinisme serait ainsi à l'origine de 5 % des malvoyances dans le monde. Dans son spectacle « Attention handicapée méchante », Lilia Benchabane, elle-même atteinte de cette anomalie génétique, confie avec humour se prendre des poteaux en marchant ou ne plus s'aventurer sur des skis, sans quoi elle risquerait de faire « accidentellement un strike avec les pioupious ». En plus d'un déficit visuel, l'albinisme s'accompagne souvent de nystagmus (un mouvement rythmique des yeux involontaire), de strabisme et donc de torticolis dits « oculaires ». De nombreux patients sont également photophobiques, c'est-à-dire ultra-sensibles à la lumière. Ce fut d'ailleurs le premier symptôme qui a mis la puce à l'oreille de Perrine : « Parce que mon fils était un peu 'jaune' après quelques jours de vie, la sage-femme m'a conseillé de le mettre près de la fenêtre qui dardait de beaux rayons de soleil d'automne, et mon nouveau-né se trémoussait d'inconfort ».

Atteintes hématologiques, respiratoires ou digestives

Moins connu, l'albinisme syndromique associe à la déficience visuelle et à l'hypopigmentation variable, une atteinte d'autres organes : poumon, intestin, plaquettes sanguines ou encore système immunitaire. Le syndrome d'Hermansky-Pudlak appartient par exemple à ces rares albinismes syndromiques (5 % des cas). Décrite pour la première fois en 1959, cette maladie peut provoquer un défaut au niveau des plaquettes sanguines (qui occasionne hématomes et saignements), une fibrose pulmonaire ou une maladie inflammatoire chronique de l'intestin. Le syndrome de Chediak-Higashi est, quant à lui, caractérisé par des infections respiratoires bactériennes et d'autres infections récidivantes. Aucun traitement spécifique pour l'albinisme n'existe à l'heure actuelle. En revanche, « des études sont en cours pour identifier les bases moléculaires de l'albinisme, pour une meilleure compréhension de sa physiopathologie avec l'idée de proposer des thérapies ciblées », promet la Filière santé maladies rares dermatologiques. En attendant, la prise en charge reste avant tout préventive, notamment en matière de photoprotection. Pour minimiser les risques de cancers cutanés, plus élevés que la moyenne, le port de vêtements couvrant (chemises à manches longues, pantalons longs) et limitant le passage des UV, la photoprotection horaire (planification des activités en plein air en dehors des heures où le soleil est le plus fort) et l'utilisation d'écrans solaires d'indice maximal contre les ultraviolets A et B sont vivement recommandés. La chirurgie peut être proposée en cas de nystagmus ou de strabisme, souvent responsable de torticolis oculaires.

La 3e Journée francophone de l'albinisme le 31 mars 2023

Pour en savoir plus sur les avancées de la recherche à ce sujet, la Filière santé maladies rares dermatologiques et l'association Genespoir organisent le 31 mars 2023, la troisième Journée francophone de l'albinisme, à l'Auditorium de l'institut Imagine de l'Hôpital Necker à Paris. Ouvert à la communauté médicale et « à toutes personnes concernées par l'albinisme », cet évènement est accessible via une inscription en ligne (possibilité de s'inscrire au-delà de la date mentionnée du 15 mars).

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Clotilde Costil, journaliste Handicap.fr"
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