Un simple repas. Trois fois par jour, parfois plus, parfois moins. Un automatisme pour beaucoup. Un véritable parcours du combattant pour d'autres. Pour des milliers de personnes en situation de handicap, manger peut devenir une source d'angoisse, de frustration, voire d'exclusion. Troubles de la déglutition, troubles des conduites alimentaires, sélectivité, dépendance pour les repas, régimes spécifiques... Selon le type de handicap, l'âge ou le lieu de vie, les problématiques nutritionnelles, et plus généralement liées à l'alimentation, sont multiples.
L'alimentation, une composante majeure de la santé
L'alimentation est un besoin physique et vital. En ce sens, « elle est désormais reconnue comme un droit humain et doit être disponible, accessible économiquement et physiquement ainsi qu'adéquate. Elle doit dès lors être adaptée aux caractéristiques des individus tout en étant culturellement acceptable », rappelle le mémoire collectif de l'EHESP (École des hautes études en santé publique) publié en 2018. Mais elle doit aussi être pensée dans sa dimension émotionnelle et sociale.
Manger n'est pas seulement une question de survie, c'est aussi un moment de plaisir, de liberté. Or, pour beaucoup de personnes en situation de handicap, ce moment peut se réduire à un acte purement médical ou logistique, sans goût, sans joie.
Selon l'Organisation mondiale de la santé, la santé est un « état complet de bien‑être physique, mental et social ». En négligeant le plaisir à table, on contribue à limiter la participation à la vie sociale et à l'autonomie – deux piliers fondamentaux du concept de handicap.
Un sujet central aux multiples facettes
Pourquoi l'alimentation est-elle un sujet clé quand on parle de handicap ? Parce qu'elle touche à tout. À la santé physique, bien sûr. À la santé mentale, surtout. Et à la citoyenneté, profondément. Derrière l'assiette, il y a des enjeux de soins, de dignité, de lien social. L'alimentation, dans le cadre du handicap, est tout sauf accessoire. Elle est un miroir de la façon dont on considère la personne, son corps, son autonomie, sa place dans la société.
S'adapter aux besoins de chacun
Certaines personnes en situation de handicap redoutent l'heure du repas par peur de s'étouffer, par hypersensibilité sensorielle, par gêne à se faire aider, ou simplement parce que les plats proposés sont insipides, uniformisés, inadaptés. Face à ce constat, il ne suffit pas de « nourrir », il faut permettre à chacun de s'alimenter avec plaisir, dans le respect de ses capacités et de ses choix.
Cela passe notamment par :
- une adaptation fine des textures et des portions ;
- des repas pensés pour éveiller les sens, et non les anesthésier ;
- un environnement calme et bienveillant ;
- des outils de communication accessibles (visuels, pictos, FALC) ;
- une co-construction des repas, quand c'est possible, pour favoriser l'autonomie.
Dans certains établissements, des projets innovants voient le jour : impression 3D des repas, plats gastronomiques mixés, formation des soignants à la posture bienveillante… Des démarches inspirantes qui replacent l'humain au cœur de l'assiette.
Lire l'article : Dysphagie: des repas imprimés en 3D pour retrouver l'appétit.
Les troubles des conduites alimentaires (TCA) : 900 000 Français touchés
Dans d'autres cas, au contraire, l'alimentation peut devenir un refuge, une obsession, un trouble qui s'installe sans bruit.
Anorexie mentale, boulimie, hyperphagie… Les troubles des conduites alimentaires (TCA) touchent près de 900 000 personnes en France, a fortiori des adolescentes. Même si les tabous commencent à se briser, ces pathologies psychiques restent souvent mal comprises. Leur repérage est difficile, leur prise en charge complexe. Les proches apparaissent alors comme de véritables piliers du rétablissement.
Lire l'article : TCA : comment les repérer et accompagner son enfant ?.
Lien entre mauvaise alimentation et dépression
L'alimentation peut aussi favoriser un handicap. Plusieurs études récentes montrent un lien direct entre la surconsommation d'aliments ultra-transformés et les symptômes dépressifs (Les aliments ultra-transformés facteurs de dépression ?).
Chez les personnes en situation de handicap, ce lien est renforcé : leur santé mentale est souvent fragilisée par des ruptures de parcours, des douleurs chroniques ou des stigmatisations. Une alimentation déséquilibrée peut alors accroître l'irritabilité, la fatigue, le désinvestissement des soins, voire les comportements à risque. A contrario, une alimentation adaptée, variée, valorisante, peut restaurer la confiance, la dignité, le plaisir de vivre.
Des bonnes pratiques pour être bien dans son assiette
À travers ce dossier « Alimentation et handicap », Handicap.fr propose de regarder autrement ce qui se passe dans nos assiettes. De donner la parole à ceux qui mangent autrement, ou qui n'y arrivent plus. D'écouter les familles, les aidants, les professionnels, les chercheurs, les associations. D'explorer les solutions concrètes, les innovations, les bonnes pratiques.
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