Par Patrick Filleux
Ils s'appellent Elisa, Juliette, Rémi et Tximista. La benjamine a 13 ans et l'aîné 23 ans. Ces quatre jeunes "abîmés par la vie" s'envolent mi-août 2015 vers l'Arctique pour une robinsonnade sur une île déserte du Groenland. Ils doivent cette escapade dans les hautes latitudes à Frank Bruno, 50 ans, créateur et animateur de l'association "Bout de vie". "Cette expédition baptisée Niviarsiak (nom inuit de cette fleur violette emblème du Groenland, NDLR) est un retour, loin des téléréalités truquées, aux vraies valeurs de la vie", a expliqué à l'AFP celui qui, amputé d'une jambe à 18 ans alors qu'il servait sur le porte-avions Foch au large du Liban en guerre, conjure depuis son infortune en mettant sa rage de vivre au service des malmenés de la vie.
De multiples performances
Elisa, 13 ans, a été amputée d'un tibia à 3 ans, après un accident. Rémi, 23 ans, est né avec un seul membre inférieur. Juliette, 17 ans et Tximista, 20 ans, ont vécu des expériences traumatiques dans un entourage perturbé. L'expression "abîmés par la vie" appartient à Frank Bruno. "Après la perte de ma jambe, écrasée sous le train d'atterrissage d'un chasseur Crusader, j'ai cru que ma vie était foutue", se souvient Frank Bruno. "Le mot espoir était sorti de mon vocabulaire. Mais c'est lorsque j'ai cessé de ne penser qu'à ma petite personne, que j'ai réalisé que j'avais des centaines de compagnons handicapés comme moi, amputés d'un bras, d'une jambe, et qui eux aussi avaient perdu espoir, que j'ai créé 'Bout de Vie'". Frank Bruno est devenu une figure dans le monde du handicap. On ne compte plus ses performances et aventures, sur terre et mer, à pied, à ski, à la rame, du Groenland à la Géorgie du Sud, des fonds marins corses à la banquise du Pôle nord ou sur les sommets de la cordillère des Andes... sur une jambe.
3 semaines sur une île inhabitée
La "robinsonnade" des quatre jeunes aventuriers débutera mi-août 2015 sur la côte occidentale du Groenland, au nord de la baie de Disko, sur l'île inhabitée Arve Prinsens, ou Alluttoq en langue inuit. Battue par les vents de la mer de Baffin, couverte en partie de permafrost pendant l'été polaire au jour permanent, cette île au pays de Nanoq (ourse polaire en inuit) abrita un temps un petit camp de pêcheurs aujourd'hui désaffecté. Elisa, Juliette, Rémi et Tximista, accompagné par Frank, qui dressera sa tente au large du tipi collectif des quatre jeunes, "pour leur laisser le maximum d'autonomie", vont vivre à la dure et au froid pendant trois semaines. Coupés du reste du monde, sans moyen de communication avec l'extérieur, ils vont être confrontés à un décor sauvage et inconnu qui va mettre à l'épreuve leur volonté et leur esprit d'entraide. "Ils sont volontaires, impatients et enthousiastes", assure Frank Bruno, dont l'objectif est de faire acquérir à ses protégés des "images de référence ancrées sur des valeurs humaines universelles qui les accompagneront sur le difficile chemin de la vie". "L'important est de ne jamais boiter dans sa tête...!", lance-t-il avec un sourire