L'accompagnement sexuel des personnes en situation de handicap, une question « éthique ». Elle a donc été posée en février 2020 par Sophie Cluzel, secrétaire d'Etat au Handicap, au Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE). Objectif ? Aborder de nouveau cette réflexion, en prenant en compte les évolutions de la société et « éclairer la réflexion » sur un débat particulièrement clivant. Le CCNE y a répondu en juillet 2021 dans un avis sur « l'accès à la vie affective et sexuelle des personnes handicapées », rendu public le 6 octobre (document en lien ci-dessous). L'accompagnement sexuel est au cœur du sujet. Rappelons qu'il est interdit en France puisqu'assimilé à la prostitution -les demandes sont majoritairement formulées par des hommes-. Il est pourtant réclamé par de nombreuses associations qui souhaitent s'inspirer du modèle mis en place dans plusieurs pays européens (Suisse, Danemark, Pays-Bas…).
Position (un peu) assouplie
En 2012, le CCNE avait émis un « avis réservé » au nom du principe de « non marchandisation des corps », « estimant difficile d'admettre l'assistance sexuelle comme un droit-créance relevant d'une obligation de société ». « Il ne peut être considéré comme éthique qu'une société instaure volontairement des situations de sujétion, même pour compenser des souffrances réelles », avait-il fait valoir à l'époque. Neuf ans plus tard, il assouplit (un peu) sa position, même si le malaise persiste et qu'il continue de juger ce sujet « éminemment complexe ». Le Comité tient compte notamment du fait que l'OMS (Organisation mondiale de la santé) prône, au nom de la « santé sexuelle », un « accès à la sexualité pour chacun ». Pour alimenter sa réflexion, il a procédé à un grand nombre d'auditions depuis un an, engageant par ailleurs des travaux avec le Collectif handicaps et sexualités Ose (CH(s)OSE) en janvier 2021. Citant le cas des personnes en situation de handicap « empêchées physiquement d'accéder à des relations sexuelles, la recherche d'une solution (possiblement de type expérimental) ne soulève pas de questions éthiques en soi », mais « nécessiterait de modifier » la loi sur la prostitution et « donc de s'affranchir des principes éthiques qui s'y référent ». Le CCNE renvoie alors cette responsabilité à une décision « éminemment politique et législative ».
Permettre la rencontre de l'autre
Pour les autres, et afin d'éviter de n'avoir, comme ultime recours, qu'un « échange marchand », il préconise de prendre le problème à la racine pour permettre la rencontre. Il encourage ainsi à favoriser les initiatives permettant l'accompagnement à la vie intime. Cela passe par la sensibilisation des professionnels des établissements médico-sociaux et acteurs du domicile, et même des tuteurs, sur ce droit inaliénable, mais sans que l'accompagnant ne s'engage lui-même dans une relation sexuelle. Cela suppose aussi de les former à l'utilisation de matériel spécifique, par exemple pour les personnes qui sont dans l'incapacité de rapprocher leurs corps, ou d'autostimulation pour celles tétraplégiques. Le CCNE propose ainsi l'expérimentation d'une « formation d'accompagnement aux gestes du corps et de l'intimité », relevant d'un « service réglementé » au niveau national.
Non aux robots sexuels
A l'inverse, il ne se dit pas favorable aux « sexbots », ces robots sexuels de type androïdes programmés pour donner du plaisir aux humains, au motif qu'ils véhiculent des « représentations sexistes » et « peuvent aggraver l'isolement social ». Il prône également l'éducation à la vie affective des résidents et la mise en place « systématique » de groupes de parole sur ce thème, et encourage surtout à respecter l'intimité des couples (chambres communes, sensibilisation des parents…) au sein des établissements, un droit encore trop souvent bafoué par des règlements d'un autre temps.