95 % des athlètes estiment « important » ou « indispensable » le travail psychologique et/ou mental*. Pourtant, seuls 37 % bénéficient d'un accompagnement dédié. Conséquence : 21 % se sont déclarés en (grande) difficulté psychologique après les Jeux de Paris 2024. Un signal rouge pour le mouvement sportif français, bien décidé à agir.
Un plan d'action qui encourage à demander de l'aide
À l'occasion de la Journée mondiale de la santé mentale, le 10 octobre 2025, les comités olympiques et paralympiques français, l'Agence nationale du sport (ANS) et l'INSEP, en lien avec le ministère des Sports, lancent un plan d'actions conjoint et pluriannuel pour faire de la santé mentale un pilier de la performance. « Pendant trop longtemps, 'être fort' a signifié serrer les dents et se taire. Ce modèle doit céder la place à un autre : celui où demander de l'aide est un acte de lucidité et de courage qui ne diminue pas un athlète mais lui permet de durer, de se reconstruire et de mieux performer », martèle Amélie Oudéa-Castéra, présidente du CNOSF. Un changement de culture assumé : « La victoire ne se construit pas au prix de la santé, mais avec elle. »
¼ des sportifs présente des troubles anxieux
Le retour d'expérience des Jeux olympiques de Paris 2024 a servi de déclencheur. Ces données viennent confirmer une autre étude, menée par Harris Interactive pour la Fondation FondaMental : un jeune sportif de haut niveau sur cinq exprime un mal-être, et près d'un quart présente des troubles anxieux généralisés. Pour concevoir une réponse à la hauteur de cet enjeu, le CNOSF s'est appuyé sur la Commission des athlètes de haut niveau (CAHN), qui a mis en place un groupe de travail dédié à la santé mentale. Ce dernier a permis de faire remonter les besoins concrets des sportifs, pendant et après leur carrière, nourrissant ainsi le diagnostic et les priorités du plan.
Athlètes paralympiques : enquête en cours
Côté paralympique, la démarche se poursuit : des enquêtes spécifiques seront menées auprès des athlètes et staffs des Jeux paralympiques de Paris 2024, tandis que la nouvelle commission des athlètes du CPSF apportera sa contribution pour renforcer encore ce travail collectif. « La santé mentale est un enjeu majeur pour notre société, mais également pour nos équipes de France, souligne Marie-Amélie Le Fur, présidente du Comité paralympique et sportif français. Ce plan d'action, multi-institutions, est une traduction concrète de la voie que nous devons collectivement emprunter. »
Faciliter l'accès aux soins psychologiques
Ce plan d'actions s'organise autour de cinq axes. Le premier ? Faire monter en puissance les aides à la prise en charge et améliorer le référencement des praticiens. Grâce au soutien de l'ANS et des Maisons régionales de la performance (MRP), 41 athlètes ont déjà bénéficié d'une aide financière en 2024. L'objectif est désormais d'élargir ce dispositif à tous les publics concernés, y compris ceux qui ne sont plus sous contrat fédéral. En parallèle, 132 praticiens sont aujourd'hui recensés sur le portail France.Sport, pour aider les athlètes à trouver un professionnel adapté à proximité. « La performance ne peut se construire durablement que si l'athlète est considéré dans toutes ses dimensions », insiste Yann Cucherat, manager général de la Haute performance au sein de l'ANS. « Prévenir, accompagner, écouter : telles sont les clés d'une haute performance responsable », ajoute Fabienne Bourdais, directrice des Sports du ministère des Sports.
Sensibiliser tout l'écosystème sportif
Parce qu'un athlète ne vit pas en vase clos, le deuxième axe cible tous les maillons de la chaîne. L'Insep va renforcer son outil d'autodiagnostic pour permettre aux athlètes de mieux évaluer leur état psychologique. Les jeunes sportifs seront sensibilisés dès les rassemblements pré-compétitions, à l'image des actions déjà menées sur les violences sexistes et sexuelles. Du côté des entraîneurs, la santé mentale fera désormais partie intégrante des formations fédérales et d'État. Quant à l'entourage, il sera mieux « outillé » via le programme européen Mentis, qui apprend à détecter la détresse psychologique.
Une surveillance médicale repensée
Chaque sportif de haut niveau bénéficie déjà d'une Surveillance médicale règlementaire (SMR), financée par le ministère des Sports, visant à prévenir les risques pour la santé et à assurer l'aptitude à la pratique du sport en compétition. Le plan prévoit d'aller plus loin : les bilans psychologiques annuels seront renforcés et confiés, autant que possible, à des spécialistes. En cas de besoin détecté, un accompagnement financier pourra être mobilisé via plusieurs canaux : aides personnalisées, contrats fédéraux ou dispositifs comme « Mon soutien psy ».
Une approche déjà mise en pratique au sein de certaines structures, comme l'Insep, où des psychologues accompagnent régulièrement les athlètes pour détecter les difficultés ou facteurs de vulnérabilité. « Notre mission est d'aider les athlètes à se construire dans la durée, jusque dans la phase délicate de fin de carrière », rappelle Fabien Canu, son directeur général.
Un suivi accru pendant et après les Jeux
Au-delà des enjeux de préparation, c'est souvent pendant et juste après les compétitions que se manifeste le besoin d'un suivi car elles entraînent souvent une (dé)charge émotionnelle importante. Face à ce constat, les « référents bien-être » (ou welfare officers), qui ont fait leurs preuves à Paris 2024, seront désormais systématiquement présents dans les délégations françaises – olympiques, paralympiques, mais aussi lors des Jeux de la jeunesse ou des Deaflympics (Jeux mondiaux des sourds). Leur mission : écouter, soutenir et orienter. Ce suivi se prolongera après les compétitions car 84 % des athlètes interrogés jugent ce soutien « décisif » pour éviter le contre-coup post-Jeux.
Anticiper la fin de carrière
« La fin de carrière, qui peut être particulièrement éprouvante, doit s'anticiper », affirme le CNOSF. Pour beaucoup, elle s'accompagne d'une perte de repères et d'un profond vide identitaire. Le nouveau dispositif Epilogue bleu, testé à l'Insep, veut transformer cette transition en étape de reconstruction. Il combine « désathlétisation » progressive, bilans psychologiques complets, ateliers de cohésion et accompagnement professionnel. Objectif : aider les sportifs à « penser leur avenir » sans renier leur passé. Les athlètes en reconversion pourront également bénéficier d'un soutien spécifique de l'ANS, en fonction de leurs besoins.
Un sport plus responsable
Ce plan pluriannuel, déployé dès cette année auprès de l'équipe de France en route vers Milan-Cortina 2026, trace la voie d'un haut niveau plus humain, où la victoire ne se mesure plus seulement en médailles. « Nous affirmons aujourd'hui une vision plus responsable : celle d'un sport qui respecte, qui écoute et qui accompagne, conclut Yann Cucherat. L'exigence du haut niveau ne doit jamais se faire au détriment de l'équilibre personnel. Gagner oui, mais pas à n'importe quel prix ! »
* Selon le retour d'expérience des Jeux de Paris 2024 réalisé par le Comité national olympique et sportif français (CNOSF)
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