« La société inclusive (...) est hors d'atteinte pour des dizaines de milliers de nos concitoyens autistes, quel que soit leur âge », dénonçait il y a quelques semaines Danièle Langloys, présidente d'Autisme France, au cours d'un entretien avec Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des Personnes handicapées. La stratégie autisme qui se termine en 2022, « et n'a pas répondu aux attentes des personnes autistes et de leurs familles, connaîtra une année blanche en 2023, alors que la situation est dramatique », revendique cette association et une dizaine d'autres réunies dans un collectif. « Une éventuelle nouvelle stratégie sera adossée à la future Conférence nationale du handicap (CNH) dont les travaux n'associent pas le champ de l'autisme », ajoute-t-il. Devant cette « absence de prise en compte publique des besoins des personnes autistes », le Collectif autisme réaffirme son constat et ses exigences au sein du Manifeste autisme publié le 25 octobre 2022 (en lien ci-dessous).
Manque d'études et de diagnostics
Ce document de 11 pages dénonce tout d'abord les « failles épidémiologiques et diagnostiques, et la rareté des programmes d'intervention ». En raison de « l'absence » d'étude française sur le sujet, « il est impossible de savoir où sont les personnes autistes », observe le collectif. D'autre part, « diagnostiquer ne sert à rien si ne sont pas mis en œuvre, pour les enfants, des programmes d'intervention les plus précoces possible, et, pour les adultes, des interventions conformes aux recommandations de bonnes pratiques », ajoute-t-il, pointant également « l'absence d'un réseau coordonné et identifié de diagnostic ».
Difficultés d'accès à la scolarisation
Autre gros point noir : la scolarisation. « Les enfants autistes sont particulièrement victimes de discrimination dans l'accès à l'école, pourtant un droit fondamental », indique le document qui souligne notamment « l'absence en amont d'évaluation des besoins en fonction des profils » ainsi que la « difficulté à faire comprendre l'imbrication des aménagements pédagogiques spécifiques et du soutien éducatif ». Le « problème » des accompagnants d'éducation de l'élève en situation de handicap est également un « enjeu majeur », selon le collectif. « 70 % des enfants autistes ont un AESH avec des quotités variables. Souvent il n'a pas la formation requise, et quand il l'a, elle a souvent été faite aux frais des associations de familles », s'insurge-t-il.
Le collectif pointe également les « failles de la formation et du contrôle qualité dans le champ sanitaire et médico-social, de la gouvernance de la politique de l'autisme et le drame des adultes » avec, notamment « l'occultation de l'exil en Belgique ».
Manque de moyens et de professionnels formés
« Il y a eu trois plans autisme qui ont permis des avancées, surtout le dernier, admet le collectif, mais la France est très loin d'avoir rattrapé son retard malgré les efforts accomplis. » De même, si la stratégie autisme au sein des TND « a eu le mérite d'inscrire fermement le trouble du spectre de l'autisme (TSA) dans le champ des troubles du neurodéveloppement (TND), de montrer la superposition fréquente des troubles et de mettre en évidence l'intérêt de la recherche, elle a cependant largement oublié les réponses concrètes à apporter aux besoins spécifiques des personnes autistes, qui ne sont pas ceux ni quantitativement ni qualitativement des autres personnes avec un autre TND », insiste-t-il.
Selon Danièle Langloys, cela nécessite « des compétences techniques précises et a un coût élevé ». Or, « nous n'avons pas les professionnels formés nécessaires : orthophonistes soumis à un numerus clausus d'un autre âge, psychologues et éducateurs non formés à l'autisme, sans parler de la psychiatrie qui peine à sortir, surtout pour les enfants, de son idéologie obscurantiste. Ce sont, notamment, des neuropédiatres qu'il nous faut », conclut-elle, appelant instamment à prendre en compte « la sévérité globale » des troubles de l'autisme lors de l'élaboration de la future stratégie.