Par Marie-Pierre Ferey, Arnaud Bouvier
Une trentaine de plateformes d'intervention précoce, destinées à orienter les familles vers une prise en charge adaptée, doivent être mises en place d'ici à la fin de l'année, dont une dizaine d'ici à fin juin, a indiqué Claire Compagnon, déléguée interministérielle chargée du dossier. Le 1er avril 2019, Mme Compagnon et la secrétaire d'Etat chargée des Personnes handicapées Sophie Cluzel ont dressé un premier suivi de la stratégie dotée de 344 millions d'euros sur cinq ans, à la veille de la journée mondiale de sensibilisation à l'autisme (article complet en lien ci-dessous).
Brasser beaucoup d'air
Les plateformes vont être mobilisées avec les 26 centres de ressources autisme (CRA) pour donner des outils aux professionnels dits de "première ligne" (généralistes, pédiatres, médecins scolaires...) afin qu'ils repèrent les premiers signes d'alerte chez les enfants, a assuré Mme Compagnon lors d'une conférence de presse au côté de Mme Cluzel. Le gouvernement reconnaît lui-même que le système est actuellement engorgé, avec en moyenne près de 15 mois d'attente pour décrocher un rendez-vous dans un CRA. Or, un dépistage précoce est essentiel pour soigner les troubles de l'autisme en stimulant l'enfant dans ses interactions sociales. Pour Christine Meignien, présidente de la fédération Sésame Autisme, "on manque cruellement de professionnels formés, et ce n'est pas en un an qu'on va bouleverser la donne". "C'est là-dessus qu'il faut mettre les moyens, et pour l'instant il n'y a rien" à ce propos dans la stratégie du gouvernement, a-t-elle dit à l'AFP. Ce plan revient à "brasser beaucoup d'air pour pas grand-chose", fustige-t-elle.
Trois ans pour un RV
Pour Danièle Langloys, présidente d'Autisme France, le plan gouvernemental "ne répond pas aux demandes des familles". "Concrètement, rien n'a changé : quand on a un enfant avec des difficultés de développement, c'est toujours aussi compliqué, on n'a pas de réponse", déplore-t-elle. "Tant qu'on ne mettra pas le paquet sur la formation initiale et continue des médecins, psychologues ou éducateurs spécialisés, la stratégie ne résoudra pas les problèmes", selon Mme Langloys. Certaines familles doivent attendre "deux, voire trois ans, pour obtenir un rendez-vous. Elles sont complètement perdues, c'est un scandale sanitaire !", s'insurge de son côté Olivia Cattan, mère d'un enfant autiste et présidente de SOS autisme France. "Certains parents sont contraints de déménager dans une autre ville pour trouver quelqu'un à même de s'occuper de leur enfant", ajoute-t-elle.
Des efforts en matière de scolarisation
Le gouvernement a récemment créé, dans la loi de financement de la Sécurité sociale, des forfaits d'intervention précoce pour les séances d'ergothérapie, de psychomotricité et de psychologie mises en place après un bilan, de manière à ce que ces soins ne coûtent rien aux familles. "C'est très bien, mais si vous n'arrivez pas à décrocher un rendez-vous chez un professionnel, ça ne résoudra pas votre problème", commente à ce propos Mme Meignien. Seul point positif à ses yeux : les efforts en matière de scolarisation des enfants autistes. A la maternelle, la stratégie prévoit de passer de 112 à 292 unités d'enseignement pour autistes, des classes à effectifs réduits. Sur ces 180 unités nouvelles, 30 doivent être créées dès la rentrée. A l'école élémentaire, six unités ont déjà ouvert, et dix autres suivront à la rentrée. "Cela va contribuer à une meilleure inclusion à l'école : les choses avancent", s'est félicitée sur ce point Mme Meignien. "Mais ce ne sont que quelques classes dans toute la France, et il y a encore beaucoup d'enfants sans aucune solution", a-t-elle tempéré.
Les adultes, parent pauvre
Les associations critiquent par ailleurs les insuffisances de la stratégie en direction des adultes autistes - qui seraient quelque 600 000 en France, dont seulement 75 000 ont été diagnostiqués. Le gouvernement met en avant ses efforts pour favoriser leur insertion dans l'emploi. "Je veux bien qu'on pense aux plus autonomes", commente Mme Langloys. Mais de nombreux autistes ne sont pas suffisamment autonomes pour envisager d'occuper un emploi, "et pour eux il n'y a rien, zéro centime ! Ils restent sur le carreau".