« Il sera un nain de cirque », tels sont les mots prononcés par un médecin pour apprendre aux parents de Bernard le handicap de leur fils. Un diagnostic bien présomptueux puisqu'aujourd'hui, il travaille dans le secteur de la communication et n'a rien d'une « bête de foire ». « Comment peut-on qualifier une personne comme ça ? C'est humiliant », s'insurge-t-il dans une vidéo tournée par Brut. Bernard, 41 ans, est atteint d'une achondroplasie, « une maladie génétique qui se caractérise par un buste de taille normale et des membres supérieurs et inférieurs plus courts », détaille-t-il, évoquant également sa main en forme de « trident ». Le regard des autres ? Il essaye tant bien que mal de le changer à travers sa chaîne YouTube « La vie ordinaire d'une personne de petite taille ». « Certes, je fais 1m30 mais je suis comme tout le monde ! »
L'adolescence, une période « critique »
C'est, en tout cas, avec cette idée que ses parents l'ont élevé. « C'est ce qui fait ma plus grande force, se réjouit-il, parce qu'ils m'ont appris à me débrouiller au quotidien. » Le moment où il a pris conscience de son handicap ? A l'entrée au CP. « En maternelle encore, tout est petit, tout est à petite échelle. Des petites chaises, des petites tables donc, même plus petit que la norme, ça allait encore », explique-t-il à nos confrères de Brut. Mais à l'adolescence, tout se complique... « La plupart des filles avec lesquelles je voulais sortir étaient beaucoup plus grandes », poursuit-il en écorchant cette période « un peu bête » où l'on se ferme des portes pour une question de taille. Résultat, Bernard est le bon copain, l'épaule sur laquelle se reposer, l'oreille attentive en cas de chagrin d'amour. A chaque tentative, il essuie un refus. « J'ai fait mon premier bisou à 24 ans », confie-t-il, se félicitant d'avoir rencontré une fille « plus ouverte d'esprit ».
Dédramatiser le handicap
En 2015, Bernard lance sa chaîne YouTube pour répondre aux questions que tout le monde se pose, mais que personne n'ose poser, et ainsi dédramatiser le handicap. « Non, je ne m'habille pas avec du 8 ans. » « Comment je fais pour conduire ? C'est très simple, j'ouvre la porte, je m'installe... et voilà ! » « Comment fais-tu pour récupérer les billets au distributeur ? » « Easy (facile, en français) ! La seule chose, c'est qu'il ne faut pas que l'endroit où insérer sa carte soit trop haut... », explique-t-il, pointant le manque d'accessibilité de certains dispositifs.
Ses armes : autodérision et humour
Le quadra partage son quotidien, ses réflexions et ses défis les plus farfelus avec ses 259 000 abonnés, avec le sentiment que plus ils en apprendront sur le handicap, plus les préjugés tomberont. Quitte à répondre parfois à des questions... « originales ». « Est-ce que tu comptes les marches quand tu montes un escalier ? », s'interroge un internaute. « Mais oui complètement ! Je ne sais absolument pas pourquoi mais c'est un réflexe », sourit Bernard. Dans ses vidéos, il partage aussi ses anecdotes... parfois plus éloquentes qu'un long discours. « Un jour, dans un supermarché, un enfant m'a pointé du doigt et a dit à sa maman : 'Regarde comme il est petit le monsieur' ». « C'est parce que je n'ai pas mangé assez de soupe, rétorque Bernard. Méfie-toi, si tu ne manges pas ta soupe, il risquerait de t'arriver la même chose ». Et de conclure : « La maman a explosé de rire et m'a dit : 'J'espère que, quand il sera grand, il aura votre humour'. J'ai tout gagné... » Un clown, définitivement non ; un comique, incontestablement !
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