Une « décision sage et courageuse, un petit pas pour Vincent Lambert, son épouse et ses proches qui respectent ses volontés mais un grand pas pour l'humanité ! », selon docteur Eric Kariger, l'ancien médecin traitant de Vincent au CHU de Reims. Le 5 juin 2015, « dans une décision définitive de sa Grande chambre, la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) a dit, par 12 voix contre 5, qu'il n'y aurait pas violation de l'article 2 (de la Convention européenne des droits de l'Homme, régissant le droit à la vie) en cas de mise en oeuvre de la décision du conseil d'Etat autorisant l'arrêt de l'alimentation et de l'hydratation de Vincent Lambert tétraplégique, en état végétatif, a rapporté son président Dean Spielmann. »
Une famille déchirée
Victime d'un accident de la route en 2008, qui a provoqué des lésions cérébrales irréversibles, Vincent Lambert, 38 ans, est hospitalisé dans une unité de soins palliatifs au CHU de Reims, où il est nourri et hydraté artificiellement. La Cour a également estimé que les dispositions de la loi Léonetti sur la fin de vie « constituent un cadre législatif suffisamment clair pour encadrer de façon précise la décision du médecin » dans un cas comme celui de Vincent Lambert. La justice européenne avait été saisie par ses parents, une de ses sœurs et un demi-frère. Ils contestaient une décision du Conseil d'État de juin 2014 en faveur de l'arrêt des soins, estimant qu'elle violerait son droit à la vie et qu'il s'agirait d'une torture. La décision médicale, prise dans le cadre de la procédure collégiale prévue par la loi Léonetti de 2005, correspond au souhait de la femme de Vincent Lambert, Rachel Lambert, soutenue par cinq frères et soeurs de son époux, convaincus qu'il n'aurait pas souhaité continuer à vivre dans cet état.
Vers de nouveaux recours ?
« La Cour est arrivée à la conclusion que la présente affaire avait fait l'objet d'un examen approfondi où tous les points de vue avaient pu s'exprimer et où tous les aspects avaient été mûrement pesés, tant au vu d'une expertise médicale détaillée que d'observations générales des plus hautes instances ». L'avocat des parents, Me Jean Paillot, avait clairement annoncé qu'il ne baisserait pas les bras en cas d'une décision défavorable de la CEDH, et qu'il introduirait de nouveaux recours en France. Maître Pettiti, l'avocat de Rachel Lambert, a, lui, estimé qu'il « serait très sage de respecter cette décision : toutes les voies internes ont été épuisées et la voie européenne aussi ». « Pour Vincent Lambert, le processus interrompu par le tribunal administratif devrait reprendre. Selon quelles modalités, cela reste à expliquer », a-t-il ajouté. « Dans ces circonstances de l'extrême limite de la fragilité, le plus grand geste d'amour, c'est de laisser partir celui que l'on aime ! », a déclaré Eric Kariger.
Vincent va-t-il mourir ?
L'enjeu de cette décision est considérable. En se prononçant sur le cas de Vincent Lambert, la CEDH se prononce également sur la loi Léonetti, qui fixe le cadre de la fin de vie. L'arrêt deviendra un point de référence juridique sur la fin de vie en Europe. Jean-Marie Le Méné, président de la Fondation Jérôme Lejeune et membre du comité de soutien à Vincent Lambert, réagit : « Aujourd'hui nous sommes vraiment inquiets que des personnes comme Vincent Lambert, tétraplégiques et en état de conscience altérée, ne soient plus protégées par la Convention. Il devient licite de supprimer la vie des personnes handicapées. C'est un tournant majeur dans l'histoire des droits fondamentaux. » Mais le combat pour Vincent Lambert s'arrêtera-t-il là ? Selon Jean-Marie Le Méné, « cette décision de la CEDH ne le condamne pas pour autant à mourir. Une autre décision peut être prise. Tout repose à présent sur le CHU. En raison du départ du Dr Kariger de l'hôpital, la procédure d'arrêt de l'alimentation et de l'hydratation de Vincent Lambert est de fait inopérante car elle ne lie pas le nouveau médecin qui lui a succédé. Nous allons continuer d'accompagner et d'aider ses parents pour qu'un projet de vie pour Vincent se réalise sans tarder maintenant. Pour demain, la mobilisation contre l'euthanasie reste à mener. » La justice a tranché mais Hippocrate n'a donc pas dit son dernier mot…