Doc Alzheimer: "Inventer des lieux où l'on a envie de vivre"

Dans "Les esprits libres", le sociologue et cinéaste Bertrand Hagenmüller propose une échappée hors du quotidien des Ehpad pour repenser l'accompagnement des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer. Un docu lumineux en salle le 30 avril 2025.

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« On a besoin d'inventer des lieux dans lesquels on a envie de vivre » pour les personnes âgées ou handicapées, dit à l'AFP Bertrand Hagenmüller, sociologue et cinéaste qui signe Les esprits libres, une joyeuse échappée belle hors du brouillard de la maladie d'Alzheimer, qui sort dans une centaine de salles le 30 avril 2025. Aussi lumineux que le sujet est lourd et sensible, ce documentaire suit un petit groupe de résidents d'un Ehpad de la région parisienne atteints de la maladie d'Alzheimer.

Cette pathologie neurodégénérative, qui affecte la mémoire, le langage et le raisonnement, entraîne des troubles de l'humeur et la perte de repères, touche quelque 900 000 personnes en France.

L'Ehpad débarque dans une résidence artistique

Accompagnés de leurs soignants, les résidents ont pris la poudre d'escampette, quittant la routine aseptisée de l'Ehpad pour une résidence artistique de deux semaines dans une belle demeure entourée d'un parc, en Bretagne. À peine arrivé, Didier, 78 ans, féroce regard bleu et crinière blanche, veut repartir pour Paris retrouver son agence de pub quittée il y a 20 ans, tandis qu'Anne-Marie, 88 ans, qui fut magistrate, s'affole, le soir venu, de ne plus savoir descendre un escalier.

Ateliers, échanges et liens retrouvés

Peu à peu, l'enfermement – dans la maladie, au sein de l'institution – laisse place à des journées rythmées par des ateliers d'écriture, de l'art-thérapie, des danses improvisées avec des travailleurs sociaux et psychologues, qui ont abandonné la blouse blanche et prennent le temps d'écouter, de plaisanter, d'expérimenter et de douter. La petite Pia, trois ans, déambule – certains soignants sont venus en famille – et écoute la frêle Nicole, 90 ans : meurtrie par le suicide de son fils, celle-ci croit avoir 8 ans. L'enfant pose un fugace baiser sur sa joue et Nicole s'apaise. Une balade sur la plage, une improvisation théâtrale, des repas préparés et pris ensemble : des liens se tissent, on savoure le plaisir d'être ensemble. Les troubles des soignés s'atténuent, les soignants retrouvent le sens de leur métier.

Moins de médical, plus de tendresse et de solidarité

Échanges tragi-comiques, éclairs de lucidité poignants ou poésie pure – « Se débrouiller, c'est se défendre contre le brouillard », dit Didier – Les esprits libres interroge : et si les personnes âgées dépendantes n'avaient pas tant besoin – ou pas que – d'un accompagnement médicalisé mais plutôt de tendresse et de solidarité, dans de beaux lieux de vie ?

Bâtir des lieux de vie désirables

« En France, on a créé des lieux relativement coupés du reste de la société, avec des experts à l'intérieur, des soignants chargés de s'occuper des personnes dites 'vulnérables' : handicapés, personnes âgées dépendantes, enfants de l'aide sociale », observe le réalisateur Bertrand Hagenmüller, qui est aussi sociologue et formateur de professionnels des secteurs social et médico-social. « On a besoin (...) d'habiter une vraie maison, un lieu ouvert, où on a plaisir à être, où de vraies pièces nous rappellent une vie ordinaire : pas un lieu médicalisé, qui ressemble à un hôpital ou un hôtel », affirme-t-il en souriant.

Un plaidoyer pour la solidarité

Après Prendre Soin en 2019, et Première ligne en 2022, Les esprits libres est le dernier volet d'une trilogie dédiée à l'accompagnement de la maladie d'Alzheimer. Au lieu de blâmer de « méchantes institutions responsables de mauvais traitements » ou de « ramener le débat, comme souvent en France, à 'Il faut plus ou moins d'argent' », ce film, 'politique' selon son auteur, doit amener à se demander « ce que chacun peut faire en tant que citoyen ». Ce système où l'on « paie ses impôts et on laisse des professionnels s'occuper des personnes fragiles » est « à bout de souffle », juge le cinéaste sociologue. « On est collectivement responsables de ne pas prendre en charge avec plus d'imagination, de courage, d'audace, cette question des solidarités. »

© Capture d'écran du film

Une résidente âgée tire la langue.
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