"C'est une revanche sur la vie, ma manière d'en profiter! Ça me fait plaisir de me surpasser", confie à l'AFP Jonathan Drutel, double transplanté coeur-poumon, ingénieur en électricité à la silhouette tonique et au crâne dégarni. Arrivé à l'âge de 2 ans dans la région lyonnaise pour être suivi par des "pontes" de la mucoviscidose, ce Parisien a connu "un départ très difficile" avec des "complications pulmonaires et digestives". "Mon père a toujours fait comme si je n'étais pas malade. J'étais traité comme ma grande soeur avec la même sévérité", assure celui qui sortira diplômé de l'INSA, une école d'ingénieurs à Lyon.
Une double greffe
Mais, à 24 ans, sa santé se dégrade sérieusement et il subit en 2008 une première greffe pulmonaire qui échoue. Un an plus tard, il est sauvé par une double greffe cardio-pulmonaire. Ce combat gagné, il lui faut retrouver de nouvelles "motivations" dans la vie. "Je m'ennuie très vite dès que je n'ai pas un objectif clair", assure le trentenaire au caractère bien trempé, conscient que ces épreuves l'ont rendu "plus fort". Il se met alors au vélo, "très bon pour les poumons". Poussé par des amis, il entreprend, en avril 2016, l'ascension du Mont Ventoux : 20 km et 1 535 mètres de dénivelé, parcourus en 2h40. Cinq mois plus tard, un "pote" lui lance un autre défi : le marathon de Paris, au printemps 2017. Malgré des "douleurs aux genoux et aux tibias", il s'entraîne seul : des "étirements quotidiens" et des courses de 5, 10, puis 20 km, deux à trois fois par semaine.
Donner de l'espoir
En novembre 2016, une opération des sinus, complication de la mucoviscidose, interrompt sa préparation mais à partir de janvier, il reprend de plus belle. "Il était hors de question que je ne finisse pas le marathon mais je ne savais pas comment mon corps allait réagir." L'effort et la chaleur lui font perdre quatre kilos. Durant la course, il boit quatre litres d'eau et avale des barres de céréales mais aussi des capsules de sel car sa maladie lui en fait perdre beaucoup. Après le 34e km, il alterne course et marche. Mais jamais il ne songe à s'arrêter. Au final, il termine les 42 km en cinq heures et seize minutes. "Quand j'ai franchi la ligne d'arrivée, j'étais tellement fatigué mais super content, fier de moi", se souvient-il, heureux de "donner de l'espoir à tous ceux qui attendent une transplantation".
Ce qu'il ne pourra plus faire demain ?
Pour lui, c'est aussi une manière de se prouver qu'il va "bien". "Je le sais quand je vais courir si je vais bien ou pas", assure celui qui veut faire "maintenant" ce qu'il ne pourra peut-être plus faire "demain". Fin mai, il a enchaîné avec la course Paris-Saint-Malo, 400 km à vélo en trois jours. Bien que "très mauvais à la nage", il veut désormais "se mettre au triathlon", comme sa soeur. Il prend des cours de natation et s'est inscrit au Natureman du Verdon, une épreuve mêlant natation (2 km), vélo (90 km) et course à pied (21 km) - des distances représentant environ le double de celles d'un triathlon olympique -, en huit heures et demi maximum.
2 triathlons : costaud !
Il s'est entraîné durant l'été en participant notamment à deux triathlons. "C'est costaud, il y a des deadlines à ne pas dépasser", souffle-t-il, inquiet. "Ce qui est compliqué pour moi, c'est la respiration car le coeur d'un greffé met plus de temps à monter dans les tours" et "même avec la combinaison dans l'eau, je suis asphyxié le temps que mon corps s'habitue au froid." "Être inscrit au Natureman, c'est incroyable ! J'espère terminer mais si je n'y arrive pas, je recommencerai l'année prochaine", se promet-il.
Par Nicole Deshayes
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