17 novembre 2022. Jour J pour la cinquième édition du DuoDay. Quel bilan ? Rappelons que cette opération consiste pour une entreprise, une collectivité ou une association à accueillir une personne en situation de handicap, afin de former un duo avec un professionnel de la structure volontaire. Ce dispositif « permet aux employeurs de découvrir les atouts et qualités professionnelles de personnes en situation de handicap, tout en offrant l'opportunité à ces dernières de découvrir un environnement de travail et de lutter contre les préjugés », explique le ministère délégué aux Personnes handicapées. En 2022, 34 189 personnes en situation de handicap se sont inscrites (+ 13% vs 30 165 en 2021) tandis que 39 219 offres de duos sont proposées par les employeurs (+ 30 % vs 30 252 en 2021). Toutes les offres n'ont pas matché puisque, au final, 20 700 duos ont été constitués à l'initiative de 3 800 structures, soit 26 % de plus qu'en 2021 (9 110).
Un levier vers le plein emploi ?
Le gouvernement voit dans ce dispositif qui « monte en puissance chaque année », un « levier vers l'emploi (...) dans un contexte où les tensions de recrutement se font sentir dans tous les secteurs d'activité ». Pour Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée aux Personnes handicapées, il s'agit d'un « outil essentiel pour atteindre le plein emploi des personnes en situation de handicap », thème d'ailleurs choisi pour la 26e Semaine européenne pour l'emploi des personnes handicapées (SEEPH) qui se tient du 14 au 20 novembre (article en lien ci-dessous). Selon elle, c'est « désormais une journée identifiée par tous les employeurs pour recruter de nouveaux talents ». La ministre affirme que « 17 % des candidats ont eu une opportunité d'emploi à la suite de l'édition 2021 » -le chiffre avancé en 2020 était de 10 %, portant sur un stage ou un emploi, année impactée par la crise sanitaire-.
Une fausse bonne idée ?
Si les entreprises en profitent pour communiquer, plus que jamais, sur leurs actions, si les chaînes de télé ont reboosté leur « programmation handicap » ce jour-là, les détracteurs ont la dent dure. S'exprimant notamment sur les réseaux sociaux, ils dénoncent une opération de communication « validiste », une « propagande » trop éphémère pour produire ses effets, voire condescendante, teintée de paternalisme. C'est à qui recherchera la personne handicapée la plus photogénique, reprochent certains, les plus incisifs dénonçant des « bêtes de foire que l'on sort une fois par an ». Un article de l'AFP mentionne une vingtaine de personnes handicapées « fières et joyeuses » (sic) qui ont passé la journée avec autant de ministres. Une vision terriblement édulcorée et pas toujours en phase avec la réalité ? Un exemple, un « détail » ? Si les photos des binômes, le moment phare de la journée, ont déferlé sur tous les comptes, combien étaient réellement accessibles aux personnes aveugles ?
Et pourquoi, puisqu'on parle de « talent » et de « compétence » des travailleurs handicapés, ne pas proposer également aux « valides » de passer une journée auprès d'eux, dans leur environnement de travail, à l'instar du Duo2, un DuoDay inversé organisé par la fondation des Amis de l'atelier, qui propose une immersion auprès d'un travailleur d'ESAT (Etablissement et service d'accompagnement par le travail) ? L'objectif serait ainsi de montrer qu'une personne handicapée n'est pas forcément subordonnée à un « valide ». Il y aurait là un message plus fort encore et davantage d'équité pour réellement « dépasser les préjugés sur l'emploi et le handicap », credo du DuoDay. Enfin, parmi les entreprises impliquées combien respectent vraiment le quota de 6 % ? Plutôt qu'un « one shot », les personnes concernées attendent des engagements au long cours.
« Reste encore du chemin »
Elisabeth Borne, Première ministre, qui recevait Romane, étudiante en psychologie atteinte du syndrome d'Ehler-Danlos, une maladie génétique, promet dans un tweet que « l'insertion professionnelle des personnes en situation de handicap n'est pas une option, c'est un devoir et une chance ». Pour Brigitte Macron, qui a passé la journée avec Lucas Créange, athlète paralympique en tennis de table qui se prépare aux Jeux de Paris 2024, « c'est une journée de rencontres et aussi de retours, où ils nous racontent leurs vies, leurs difficultés, ce qui est bien et ce qu'on peut améliorer. Et je les entends bien tous sur le harcèlement ».
Cette opération entend « mettre en lumière les jeunes en situation de handicap et marquer le fait qu'on veut vraiment une société inclusive », relève Mme Borne après une photo de groupe sur le perron de Matignon. Si ce DuoDay « lève les tabous et les préjugés », elle consent qu'il « reste encore du chemin », le taux de chômage des personnes handicapées restant presque deux fois plus élevé que celui de la population générale.
© Twitter Elisabeth Borne