À deux pas de l'infirmerie du collège Édouard Manet de Villeneuve-la-Garenne, en région parisienne, une porte fraîchement repeinte affiche trois lettres qui pourraient bien changer la donne : PAS, pour Pôle d'appui à la scolarité. Le tout premier du département des Hauts-de-Seine. Sa mission : « repérer vite, coordonner vite, agir vite », pour que les élèves à besoins éducatifs particuliers, notamment en situation de handicap, aient accès à une scolarité adaptée.
« Il y a quelques semaines encore, cette pièce était un véritable 'fourre-tout' », sourit Houria Bekhti, la principale du collège qui accueille ce dispositif visant à « répondre à la promesse de l'école inclusive ». Aujourd'hui, l'espace est clair, lumineux, reflétant la volonté de rapprocher le secteur médicosocial et l'école autour d'un objectif commun : sécuriser le parcours de chaque élève.
Un dispositif né de la CNH 2023
Nés d'une promesse faite lors de la Conférence nationale du handicap (CNH) du 26 avril 2023, réaffirmée lors du Comité interministériel du handicap (CIH) de mai 2024, les PAS ont été pensés pour transformer en profondeur l'accompagnement des élèves en difficulté. L'idée ? Remplacer progressivement les pôles inclusifs d'accompagnement localisés (Pial), souvent jugés trop techniques ou trop éloignés du terrain, en structures d'appui capables d'offrir des réponses rapides, concrètes et coordonnées, dès les premiers signes de difficulté. « Le PAS crée un ancrage territorial durable, en lien avec les écoles, les professionnels de santé, les collectivités et les élus. Il s'intègre dans un mouvement plus large de transformation de l'offre médicosociale », ajoute Sophie Martinon, directrice générale adjointe de l'Agence régionale de santé (ARS) d'Île-de-France, dont les services pilotent et financent la partie médicosociale du dispositif aux côtés de l'Éducation nationale.
L'ouverture des premiers PAS en 2024
Première étape : l'expérimentation. En septembre 2024, quatre départements (l'Aisne, la Côte-d'Or, l'Eure-et-Loir et le Var) ont été désignés préfigurateurs. Une phase test qui a permis d'ajuster le cahier des charges avant une montée en puissance. En Île-de-France, l'accélération est notable : 29 PAS ont ouvert en 2025, dont 10 en Seine-et-Marne, 2 à Paris et 17 dans les Hauts-de-Seine, « confirmant le département comme l'un des moteurs de l'école inclusive », affirme Frédéric Fulgence, directeur académique des Hauts-de-Seine.
Au cœur du PAS : un binôme avec un regard croisé
Au cœur du dispositif : un binôme, encore en phase d'installation mais déjà très attendu, recruté par l'association Les papillons blancs de la colline, gestionnaire du dispositif. Claire Louis, passée de l'ingénierie à l'enseignement puis à la formation, endosse le rôle de coordonnatrice du PAS de Villeneuve-la-Garenne. À ses côtés, Cécile Rodriguez, éducatrice spécialisée depuis cinq ans. Deux compétences, une même vision. « Le binôme permet de suivre l'élève dans la continuité : à l'école, dans sa famille et dans son accès aux soins », explique Claire. Pour Cécile, ce PAS marque « l'ouverture d'un nouvel espace d'accompagnement » après plusieurs années de travail auprès d'enfants en situation de handicap lourd.
Comment fonctionne un PAS ?
Avec ces pôles, l'État promet un service « de première intention » : un élève en difficulté, qu'il s'agisse d'un trouble du langage, d'un comportement complexe, d'une situation sociale compliquée ou d'un handicap émergent, peut être signalé par ses parents, un professeur ou un chef d'établissement. À Villeneuve-la-Garenne, cela représente potentiellement 5 à 7 000 élèves, de la maternelle au lycée. Une fois alerté, le binôme du PAS analyse la situation et propose un premier niveau d'aide, qui ne nécessite « ni diagnostic préalable, ni notification de la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) », explique-t-il.
Un réseau de spécialistes mobilisable à tout moment
Une constellation de ressources peut ainsi être mobilisée : celles de l'Éducation nationale (réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté, professeurs ressources, assistant d'éducation, psychologues) mais aussi le plateau médicosocial des Papillons blancs. Son équipe rassemble psychologues, psychomotriciens, travailleurs sociaux et un réseau d'orthophonistes conventionnés, capables de réaliser des bilans lorsque les délais extérieurs s'étirent sur des mois.
Concrètement, les réponses du PAS peuvent aller d'une adaptation pédagogique immédiate à une observation en classe, en passant par un soutien éducatif ponctuel, une aide aux démarches ou l'activation d'une équipe mobile quand un handicap est suspecté. Il coordonne également les accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) pour les élèves déjà reconnus par la MDPH.
Les professionnels interviennent dans les écoles
Cette organisation « en chaîne courte » change la dynamique. « Les échanges entre les acteurs s'intensifient, les délais diminuent, les situations se clarifient, constate Frédéric Fulgence. Surtout, le PAS évite que des élèves en difficulté ne soient orientés trop vite vers le champ du handicap, alors que des réponses éducatives ou médicosociales 'légères' suffisent souvent à remettre le parcours sur les rails. » En résumé, le PAS joue un rôle charnière : il simplifie les démarches, fluidifie la circulation de l'information et facilite l'intervention de professionnels au sein même des écoles.
Des besoins considérables sur le terrain
À Villeneuve-la-Garenne, les besoins sont nombreux : troubles du langage, élèves allophones, haut potentiel non accompagné, troubles du comportement, contextes familiaux fragiles… « Beaucoup de familles ne peuvent pas se déplacer pour des soins en orthophonie ou psychomotricité par exemple. Certains enfants restent des mois sur liste d'attente », observe Mme Bonneau, AESH référente. De même, « de nombreux parents ne peuvent pas faire les démarches seuls. Nous devons les accompagner pas à pas. » Même constat au sein du collège Édouard Manet. « La problématique des difficultés scolaires est réelle et les besoins de plus en plus pointus, note Houria Bekhti. Nous avons besoin d'une expertise extérieure. Le PAS peut être un vrai soutien pour les équipes. » Si la principale se disait un peu dubitative au début, elle affirme aujourd'hui porter un « regard positif et confiant ». « Ce n'est pas un dispositif de plus. C'est un outil très concret, qui part du terrain, des acteurs et non quelque chose de hors sol », affirme Frédéric Fulgence.
Évaluation du dispositif dans un an
Le PAS de Villeneuve-la-Garenne pose les bases d'un modèle d'accompagnement scolaire inclusif et réactif, qui se veut « évolutif ». Dans un an, une évaluation viendra mesurer ses premiers effets : rapidité des interventions, coordination réelle entre les acteurs, satisfaction des familles et impact sur les parcours scolaires. S'il tient ses promesses, le PAS pourrait transformer durablement la manière dont les difficultés des élèves sont repérées et prises en charge, en mettant fin à ces délais d'intervention qui grignotent des mois, parfois des années, de scolarité. Rendez-vous est pris.
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