J'avais 9 mois quand mes parents ont réalisé que j'étais différente. Assise dans l'herbe, je n'ai pas sursauté quand un tracteur a perdu sa lourde herse, provoquant un bruit épouvantable. Verdict du médecin : « Votre fille est sourde, elle ne parlera jamais ». Effectivement, je suis née sourde profonde au troisième degré, l'infirmité la plus lourde possible sur le plan auditif. Mon père et ma mère, tous deux entendants, étaient porteur du gène, sans le savoir. 20 ans, c'est à peu près l'âge qu'ils avaient à l'annonce du diagnostic mais, dans la fougue de leur jeunesse, ils ont refusé cette fatalité ; c'est aussi le nombre d'années passées chez l'orthophoniste, à raison de trois fois par semaine. Un vrai travail d'orfèvre, enfin surtout de perroquet, qui m'a permis de prononcer mes premiers mots et de déjouer les pronostics de ce médecin présomptueux. Il n'était pas au bout de ses surprises... En parallèle, j'ai appris la lecture labiale, la langue française parlée complétée (LFPC) et, bien plus tard, la langue des signes (LSF).
Une voie toute tracée
Petite, j'étais partante pour tout, enjouée et entourée. Je n'avais pas vraiment conscience de ma surdité, qui n'était qu'un petit détail de ma personnalité. En classe, je m'accrochais, ne supportant pas d'être le « boulet de service », et recopiais les cours de mes voisins, qui me répétaient les consignes si besoin. Mes passe-temps favoris ? Dévorer des romans policiers et défendre la veuve et l'orphelin. Mon destin était tracé : j'étais faite pour être avocate. Alors je me suis lancée dans des études de droit, prouvant ainsi à mon entourage et mes professeurs que j'en étais capable. Mes parents ont toujours été les seuls à croire en moi et beaucoup les considéraient comme « trop optimistes ». A dix-huit ans, on m'a dit que personne ne voudrait se marier avec moi. Mille fois, j'ai voulu abandonner... Ce qui m'a sauvée ? Je suis bavarde ! Je voulais arrêter de vivre dans la peur, le jugement et dépasser mes limites, ou plutôt celles que l'on m'imposait. Premier obstacle : à l'université, impossible de lire sur les lèvres des profs. Même en étant au premier rang, ils étaient bien trop loin. A force d'adaptation et de détermination, j'ai obtenu mon diplôme à 27 ans, devenant ainsi la première avocate sourde de naissance, en France. « Je suis devenue avocate parce qu'on m'a dit que c'était impossible, que ce métier n'était pas pour moi. Je suis devenue avocate parce que je connais ce sentiment d'injustice, celui qui vous prend aux tripes et vous empêche de dormir », expliquais-je lors de ma participation au Grand Oral, sur France 2, en février 2019.
D'avocate à coach : même combat
Ce précieux sésame en poche, j'ai travaillé en cabinet d'avocat durant un an et demi mais, ayant déménagé près de Genève, en Suisse, où mon diplôme français n'était pas reconnu, j'ai décidé de travailler comme juriste en entreprise. De retour à Paris, j'ai continué quelques années avant de faire une reconversion professionnelle pour devenir chef de projet marketing. Avec très peu de budget en un an, j'ai formé 3 200 agents à l'accueil d'un client en situation de handicap, rendu 200 nouvelles agences vraiment accessibles et surtout étendu les produits d'assurance auto et habitation à tous les usagers, handicapés ou non. Un tour de force auquel, encore une fois, personne ne croyait vraiment. J'ai alors pris conscience de toutes les compétences développées grâce à mon handicap : mon audace, mon côté tantôt philosophe tantôt guerrier, ma capacité d'adaptation, mon aptitude à comprendre les intentions réelles des gens, prendre du recul et fédérer. Et si je les mettais au service des personnes emprisonnées par des freins, des peurs et des croyances ? C'est ce que je m'attèle à faire tous les jours, en tant que coach, j'accompagne mes clients à prendre pleine possession de leurs forces mais aussi suffisamment confiance en eux pour passer outre le regard des autres. Je poursuis cette mission en donnant des conférences pour montrer que le handicap peut être positif aussi bien pour les personnes concernées que pour les entreprises et la société en général.
Croire en ses rêves
En cette journée internationale des droits des femmes, j'aimerais vous dire, à toutes : faites-vous confiance, faites taire cette petite voix intérieure qui vous culpabilise sans cesse et mettez votre mental au service de vos objectifs. Pour ce faire, cherchez des modèles inspirants qui vous montrent la voie pour atteindre vos rêves. Identifiez vos croyances limitantes, vos peurs, explorez vos zones d'ombre et apprenez à vous aimer de manière inconditionnelle. En bref, autorisez-vous à rêver grand. Et si vous sentez que vous n'avancez pas assez vite ou que certaines barrières paraissent infranchissables, ne baissez pas les bras, faites-vous accompagner. Rien n'est impossible, parole de coach !