Des douleurs bien réelles, des bleus, des acouphènes, des fractures ? « Mais, non, madame, c'est dans votre tête ! » Thérèse Fournier a entendu ce diagnostic durant huit longues années, au bout desquelles elle a finalement appris qu'elle souffrait d'un syndrome de Cushing. Cette maladie rare se caractérise par une hypersécrétion de cortisol, provoquée par une tumeur de l'hypophyse. Un verdict salvateur pour cette chanteuse qui commençait à voir la vie en noire... Pourtant cette errance médicale aurait pu lui être fatale.
Symptômes criants
C'est en 2011 que ses premiers symptômes apparaissent. Les psychiatres sont unanimes, l'origine est psychique, elle est schizophrène. Sentiment d'incompréhension, traitements inadaptés... Ce cocktail explosif ruine sa santé physique et mentale, et les effets de la surproduction d'hormones n'arrangent rien. Anxiété, acné, développement excessif de la pilosité, prise de poids... « Ma peau était devenue très fine, elle se déchirait, ma vue a baissé. Tous mes sens étaient touchés », confie-t-elle sur Allodocteurs.fr. Et le pire reste à venir... La jeune femme fait plusieurs fausses couches et contracte une pneumocystose, une maladie infectieuse qui atteint les poumons. Ses médecins crient au « burn out » et lui prescrivent des antidépresseurs. Après un isolement total et un passage en hôpital psychiatrique, elle voit enfin la lumière... C'est lors d'une consultation avec une jeune médecin généraliste que le véritable diagnostic tombe. Elle avait consulté 47 médecins et 8 psychiatres ! Après une prise en charge adaptée et une opération du cerveau, la voilà remise sur pieds. Elle a retrouvé sa joie de vivre et renoué avec ses premières amours : la musique et l'écriture. Elle raconte son calvaire dans Poisson lune (Auto Edition), sorti fin août 2019.
Des médecins dans le déni
Brigitte, 60 ans, a, elle aussi, fait les frais d'un tel acharnement. A l'âge de 15 ans, elle est victime d'un accident. Après plusieurs semaines dans le coma, ses parents la renvoient au lycée. Aussi invisibles soient-elles, ses cicatrices existent bel et bien, et se consolident au fil du temps. Elle sent que quelque chose « ne tourne pas rond », consulte un médecin puis un autre... Mais toujours la même rengaine : aucune bienveillance et pas une once de compassion. Quatre décennies plus tard, un médecin se penche enfin sur son dossier et lui prescrit une IRM. Verdict : traumatisme crânien grave. Contrairement à celui de Thérèse, son diagnostic est loin d'être libérateur. De son travail en tant que secrétaire médicale, elle ne retient que « harcèlement », cruauté et déni. « Personne ne voulait entendre parler de mon accident, se souvient-elle, amère. De temps en temps, j'osais dire au médecin du travail : 'mais j'ai eu un traumatisme crânien'. Elle tapait sur la table en me narguant : 'Prouvez-le !'. » Mais même une fois la preuve apportée, la dénégation a persisté. Finalement, Brigitte a été mise en congé longue durée pour « maladie mentale ». A l'aube de sa retraite, elle fait le bilan : « Ma vie ? Je l'ai vécue comme j'ai pu. Une chose est sûre, je ne l'ai pas choisie. » En revanche, elle a décidé de se battre pour obtenir justice. Son combat ? Faire reconnaître son handicap pour que sa retraite pour invalidité prenne en compte les séquelles. « Ce serait au moins ça puisque je n'ai jamais pu bénéficier d'un poste adapté ». Elle attend la délibération du tribunal administratif. Si nécessaire, elle promet de faire appel. Une rage de vivre qui lui vient de son grand-père, prisonnier durant la Première guerre mondiale.
Les femmes en première ligne ?
Nombreuses sont les personnes qui ont erré durant plusieurs années, victimes de pathologies sournoises qu'aucun médecin ne sait déceler, les femmes semblant être en première ligne. Pas prises au sérieux, considérées comme des « chochottes », des « petites choses fragiles » ou encore hypocondriaques... Des expériences douloureuses, parfois traumatisantes, que des centaines d'entre elles ont partagé sur les réseaux sociaux avec le #MyDoctorSaid (Mon médecin a dit). A l'initiative ? Suzannah Weiss, une écrivaine américaine qui a elle-même souffert de l'indifférence médicale la plus totale. Sur Twitter, elle raconte avoir consulté 17 médecins différents, en 11 mois, avant de découvrir le mal qui la rongeait. « Docteur 1 m'a dit que rien ne clochait chez moi. Docteur 2 m'a dit que mes symptômes étaient provoqués par l'anxiété et a pratiqué des examens invasifs qui les ont aggravés. (…) Docteur 13 m'a dit que c'était dans ma tête. (…) Docteur 16 m'a suggéré d'aller voir un psychiatre. »
La douleur des règles n'est pas feinte
Un parcours laborieux que traversent, notamment, de nombreuses femmes atteintes d'endométriose, une maladie gynécologique qui en concerne une sur dix. Avis aux médecins fatalistes, les douleurs de règles sont tout sauf « normales ». Certaines patientes atteintes de fibromyalgie, une maladie chronique mal reconnue qui provoque fatigue et douleurs diffuses, et de sclérose en plaques passent également entre les mailles du filet (articles en lien ci-dessous). Les médecins privilégient la piste d'une anxiété ou hypersensibilité excessive ou encore des troubles psychosomatiques. La médecine moderne, sexiste et basée sur des pensées archaïques ?