Au-delà de « vivre ensemble », il s'agit de « vivre mieux ensemble ». C'est le thème de la 6e édition des « Feuilles d'automne des écrivains handicapés et des autres », organisée par l'association Femmes pour le dire femmes pour agir (FDFA), le 9 novembre 2019, dans les locaux de la Maison des associations de solidarité (Paris 13). Cette manifestation littéraire propose une réflexion sur la rencontre entre le handicap et l'écriture et permet au grand public de découvrir des auteurs en situation de handicap ou « valides » ayant écrit sur le sujet du handicap (programme détaillé en lien ci-dessous).
Conférence sur le sens des mots
La conférence inaugurale, le matin, aura pour thème « le féminin dans le langage » car, selon Isabelle Dumont, chargée de mission au sein de l'association, « vivre mieux ensemble c'est aussi lutter contre les stéréotypes et le sexisme qui pourrit la vie de nombreuses femmes au quotidien ». Ce sera également l'occasion de rappeler à quel point le choix des mots compte, qu'il est important de dire « les personnes handicapées » ou « en situation de handicap » plutôt que « les handicapés ». L'objectif de cet évènement est de favoriser la rencontre entre le monde du féminisme et celui du handicap, mais aussi de sortir le handicap du ghetto. Ne pas rester dans l'entre-soi, ouvrir des portes pour construire des passerelles, provoquer des rencontres, des dialogues, centrés sur l'humain et le vivre ensemble... Par ailleurs, le challenge « Livre express » permet à chaque auteur de présenter son ouvrage en 3 minutes chrono, permettant ainsi de refléter toute la diversité des invités : parents d'enfant en situation de handicap, personnes elles-mêmes concernées, universitaires qui ont travaillé sur le sujet, acteurs médico-sociaux...
Focus sur les violences faites aux femmes
Cette année, un espace est dédié aux auteurs abordant les questions d'égalité hommes/femmes. Le leitmotiv : promouvoir une philosophie de partage et contribuer à lutter contre les discriminations et les violences dont font trop souvent l'objet les personnes, et surtout les femmes, en situation de handicap. Un sujet d'actualité alors que les conclusions du Grenelle dédié doivent être rendues le 25 novembre 2019, à l'occasion de la journée pour l'élimination des violences faites aux femmes (article en lien ci-dessous). FDFA y a participé pour tenter de faire comprendre que le handicap doit être traité de manière transversale. Isabelle Dumont livre son retour sur expérience…
Handicap.fr : 80 % des femmes en situation de handicap seraient victimes de violences, c'est trois fois plus que les « valides ». Comment l'expliquer ?
Isabelle Dumont : La vulnérabilité attire l'homme violent. De nombreux facteurs entrent en ligne de compte : rapport de genre, phénomène d'emprise, conception de la violence... Certaines femmes en situation de handicap physique ont l'habitude d'être manipulées par le corps médical, possèdent un seuil de tolérance à la douleur beaucoup plus élevé que les « valides » et ont parfois perdu une partie de leur estime d'elles-mêmes, de leur pudeur... Comment peuvent-elles identifier des violences quand leur corps est en permanence manié sans particulièrement d'empathie ?
H.fr : Les décideurs ont-ils pris conscience que le handicap était un facteur aggravant ?
ID : En 2010, année de la grande cause nationale sur la lutte contre les violences faites aux femmes, nous avions organisé un colloque dédié à celles handicapées. Un sondage auprès des participantes a révélé que 36 % des femmes valides indiquaient avoir été victimes de violences contre 70,58 % pour celles en situation de handicap. Malgré ce constat criant, nous avons dû attendre 5 ans pour obtenir un financement (uniquement privé) afin de lancer notre plateforme « Ecoute violences femmes handicapées » (article en lien ci-dessous). Avant cela, personne n'avait fait le lien entre handicap et violence...
H.fr : En 10 ans, les choses ont-elles évolué ?
ID : Les politiques commencent à se saisir de cette question spécifique. Preuve en est avec le Grenelle et le rapport du Sénat sur les femmes handicapées récemment publié, qui fait notamment le distinguo entre maltraitance et violence (article en lien ci-dessous). La maltraitance, c'est une violence qui s'installe dans la durée, c'est une manière de fonctionner. Concrètement, cela consiste à ne plus voir la personne en situation de handicap comme une personne à part entière. Alors qu'ils sont sensés se préoccuper uniquement du bien-être des personnes handicapées, certains professionnels les laissent nues sous la douche pour répondre au téléphone, et ne saisissent pas en quoi cela peut être maltraitant.
H.fr : Qu'avez-vous retenu de ce Grenelle ?
ID : Les associations féministes ont des tonnes d'idées mais tant que les décideurs politiques ne mettront pas de sous sur la table, elles ne pourront jamais prendre forme...
H.fr : Le 9 novembre, quelle place occupera cette thématique dans l'évènement Feuilles d'automne ?
ID : Deux ouvrages sur le sujet seront présentés, notamment « Paroles d'exclus », de Frédérique Meunier (éditions L'Harmattan), qui expose des témoignages de violences institutionnelles et de familles démunies face au refus de prise en charge...