Handicap à l'école : le dur défi des accompagnants

Un salaire peu élevé, une place difficile à trouver entre parents et enseignants, un déficit de formation... Nadra, accompagnante d'élèves en situation de handicap, espère une revalorisation de son statut, promise à la rentrée par le gouvernement.

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Par Isabelle Tourné

Dans cette classe de CM2 d'une école du 13e arrondissement de Paris, Nadra, accompagnante d'élève en situation de handicap (AESH), a sa place attitrée: juste à côté de Léo. Le jeune garçon présente "des problèmes de langage et d'apprentissage". Elle n'en sait pas plus. "On ne connaît jamais la nature des handicaps des enfants et on nous demande d'éviter d'en parler avec les parents", déplore-t-elle. Elle suit Léo 15 heures par semaine. Et aussi Sidy, 9 heures, en CE1, qui souffre de "troubles de l'attention". Son travail consiste notamment à leur réexpliquer les consignes des exercices qu'ils ont du mal à appréhender.

Petits rituels

Ce jeudi après-midi, les élèves de CM2 ont quatre poésies à lire. Léo ne s'y met pas, triture la gomme de son crayon. "Il a du mal à rentrer dans un texte ; je lui suggère de lire une seule phrase par poème car en entier, c'est trop long pour lui", explique Nadra. Elle a aussi ses tactiques pour le calmer. "Léo est vite parasité par le bruit de la classe. Quand je sens qu'il ne tient plus, je l'emmène se reposer dans une salle à côté". Quant à son autre élève Sidy, "il a une faculté de concentration limitée", décrit-elle. "On a mis en place des petits rituels: quand il commence à s'agiter, je lui demande de serrer ses poings et on fait des exercices de respiration". Ce métier, elle l'a choisi "par hasard" il y a trois ans, après s'être arrêtée de travailler pour s'occuper de son enfant, lui-même handicapé. "Les horaires étaient parfaits pour moi, et je savais qu'on recrutait facilement". En effet, l'entretien d'embauche a duré à peine dix minutes. "On nous demande comment on réagirait dans une situation donnée et... c'est à peu près tout".

Salaire insuffisant ?

A 45 ans, elle gagne aujourd'hui 730 euros par mois (avec le remboursement de ses frais de transports) pour 24 heures de présence par semaine, et bénéficie des congés scolaires. Sans le salaire de son mari, elle ne sait pas comment elle s'en sortirait. Christine, sa collègue célibataire de 48 ans, explique, elle, être logée gratuitement, "sinon, ce ne serait pas possible". Elle vient de signer un nouveau contrat de 3 ans renouvelable, qui pourra déboucher sur un CDI. Jusqu'ici, les CDD étaient d'un an. Cette mesure fait partie du plan du gouvernement pour sécuriser les conditions d'emploi des AESH. On leur promet aussi une reconnaissance comme membre à part entière des équipes éducatives.

« Déficit de formation initiale »

Nadra mesure sa chance d'être affectée dans la même école depuis trois ans, aux côtés d'"une super équipe". "Ce n'est pas toujours comme ça, il est très fréquent que des AESH ne tiennent pas l'année", souligne-t-elle. En cause notamment, un déficit de formation initiale, limitée à 60 heures. "On nous fait découvrir les différents handicaps, mais c'est tout". Selon elle, il faudrait leur fournir "des supports pédagogiques pour savoir comment faire progresser les élèves en fonction de leurs difficultés". Bien souvent, elle fait ses propres recherches sur internet et improvise: "Léo a de gros problèmes avec la grammaire, alors je me cale sur les méthodes d'apprentissage préconisées pour les enfants dyslexiques, ce qu'il n'est pas".

Remise du rapport d'enquête parlementaire

Le 8 octobre 2019, les ministres de l'Education, Jean-Michel Blanquer, et la secrétaire d'Etat chargée des personnes handicapées, Sophie Cluzel, se sont vu remettre un rapport d'enquête parlementaire, qui préconise notamment de revaloriser le rôle et la formation des accompagnants. Le rapporteur, Sébastien Jumel (PCF), a raconté à l'AFP s'être notamment offusqué que de nombreux AESH ayant commencé à travailler en septembre n'aient toujours pas été payées un mois et demi après la rentrée. "Il n'y a pas de pilotage cohérent, c'est une situation inacceptable", a-t-il déclaré. M. Blanquer a reconnu que ces cas devaient "être réglés rapidement", selon lui.

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