Handicap et emploi : malgré les Jeux, les préjugés perdurent

Les résultats du 8e baromètre Agefiph-Ifop viennent de tomber. Malgré une mise en lumière des différentes situations, des forces et des talents existants lors des Paralympiques, les préjugés persistent concernant l'emploi des personnes handicapées.

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Une femme de dos en fauteuil roulant parle à un homme assis.

Deux Français sur trois estiment que les Jeux paralympiques ont amélioré la perception du handicap en France… Mais ce gain symbolique n'a pas suffi à faire évoluer les mentalités en profondeur. Telles sont les conclusions du huitième baromètre Agefiph-Ifop, publié le 18 septembre 2025. Très majoritairement, le handicap reste cantonné à l'image du « fauteuil roulant » : il arrive en deuxième position des mots spontanés évoqués par les 3001 participants, juste derrière « difficultés ». Et pourtant, 80 % des handicaps sont invisibles - un fait méconnu par 92 % des répondants.

Le sentiment de difficulté atteint un niveau record

C'est le chiffre qui interpelle le plus : 76 % des Français estiment qu'il est difficile d'embaucher une personne en situation de handicap - un niveau jamais atteint depuis le lancement du baromètre en 2018 (où il était de 67 %). Ce sentiment traverse tous les groupes interrogés : 73 % des personnes en situation de handicap, 68 % des salariés et 73 % des recruteurs partagent cette conviction. « Cette édition révèle un paradoxe français : jamais le handicap n'a été aussi visible dans l'espace public, jamais il n'est perçu aussi difficile à intégrer dans l'imaginaire professionnel », souligne François Legrand, directeur d'études à l'Ifop (Institut français d'opinion publique).

La contrainte financière, frein majeur

Et ce n'est pas un hasard si l'un des freins les plus cités par les recruteurs est la contrainte financière ou technique pour aménager un poste (43 %). Pourtant, seulement 10 % des recrutements nécessitent un réel aménagement, et il existe des dispositifs d'aide pour accompagner ces adaptations. Cette déconnexion entre perception et réalité renforce l'idée que ce n'est pas tant une résistance ferme qu'un déficit de connaissance ou de confiance qui freine l'embauche des personnes handicapées.

Petites ou grandes entreprises : des avis qui divergent

Autre enseignement frappant : la taille de l'entreprise joue un rôle déterminant. Pour les dirigeants de structures de moins de 10 salariés, seulement 25 % estiment qu'il est « facile » d'embaucher une personne handicapée. En revanche, pour les entreprises de plus de 20 salariés, ce taux monte à 42 %.

Le secteur d'activité aussi creuse les écarts. Dans le commerce, 37 % des dirigeants jugent l'embauche facile ; dans l'agriculture, ils ne sont que 6 %. Ces différences révèlent que l'accompagnement local, sectoriel et technique doit être calibré selon les réalités du terrain.

Référent handicap : un rôle clé

Toutefois, des tendances encourageantes se dessinent. Parmi les recruteurs, 59 % se disent prêts à embaucher une personne en situation de handicap. Ce taux explose à 91 % pour ceux qui sollicitent un référent handicap et atteint 77 % pour ceux qui ont été accompagnés par l'Agefiph (fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées dans le privé). Le rôle du référent handicap n'est pas symbolique : 96 % des dirigeants qui en disposent considèrent que sa présence est essentielle pour renforcer l'inclusion. Ces chiffres montrent qu'il existe déjà des leviers très concrets pour favoriser l'embauche des personnes handicapées. Former et informer les recruteurs, les accompagner dans leurs démarches et s'appuyer sur des référents handicap au sein des entreprises apparaissent comme des solutions efficaces pour transformer la volonté en action.

Inclusion au quotidien : des retours plutôt positifs

Si beaucoup craignent « l'inconnu », celles et ceux qui sont déjà dans une dynamique inclusive témoignent d'un impact positif. Parmi les salariés travaillant avec des collègues en situation de handicap, 80 % affirment que cela leur permet « de mettre en place de nouvelles manières de faire », et 64 % disent que cela ne change rien à leur quotidien. 

Autrement dit, l'inclusion - loin de « bouleverser » l'organisation - peut être un levier d'innovation, d'adaptation et permettre de réinventer les pratiques. « L'inclusion se bâtit dans la durée par la mise en place de mesures appropriées (…) c'est à l'épreuve de la réalité, dans la rencontre quotidienne, banale, ordinaire que se transforment les regards », abonde François Legrand, directeur d'études à l'Ifop.

Handicap psychique : des tabous persistants

Le handicap psychique reste le plus difficile à accepter, selon le baromètre. Plus d'un tiers des salariés (34%) déclarent ne pas être prêts à travailler avec une personne concernée, et seuls 16 % des dirigeants jugent son intégration facile. « Alors qu'en 2025, la santé mentale a été déclarée grande cause nationale, que les prises de parole de personnes concernées se succèdent et que 35 % des recruteurs interrogés ont mis en place des actions liées à la santé mentale, il est largement temps d'agir ensemble pour faire bouger les lignes », exhorte l'Agefiph.

Dans une étude complémentaire « Santé mentale, handicap et emploi », publiée en avril 2025, le fonds déplore que « le monde professionnel reste un espace où les pathologies mentales sont souvent mal comprises, stigmatisées, voire invisibilisées » et insiste sur l'importance d'outils de repérage, de formation, de pair-aidance. C'est, selon l'Agefiph, l'un des chantiers les plus urgents : défaire les peurs liées à la santé mentale, lever les tabous, outiller les managers, changer les peurs par l'information.

Un chemin balisé… mais encore pentu

Ce baromètre annuel apporte des repères clairs : une conscience accrue, une volonté affichée, des outils existants - mais il révèle aussi que les représentations sociales résistent au changement. L'écart entre ce qu'on croit et ce qui est fait demeure vaste.

Depuis la loi du 11 février 2005, l'insertion professionnelle des personnes en situation de handicap est un droit reconnu, et des avancées significatives ont été obtenues en vingt ans (multiplication des interventions de soutien, dispositifs d'aménagement, essor des contrats d'apprentissage). Mais aujourd'hui, face aux défis économiques, aux nouvelles formes de travail, à la fragilité psychique, il faut faire évoluer le cadre législatif, renforcer les moyens d'accompagnement, fluidifier les parcours. « Nous croyons dur comme fer qu'ensemble nous pouvons lever les obstacles pour un monde du travail plus juste », conclut Christian Ploton, président de l'Agefiph, qui encourage à actionner différents leviers tels que le dialogue, l'expérimentation locale ou encore la formation (RH, managers, pairs).

© Africa images

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Cassandre Rogeret, journaliste Handicap.fr"
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