Par Maxence D'Aversa
Liliane Morellec, 68 ans, a déjà fait les frais du PAM, service francilien de transport à la demande dédié aux personnes handicapées, témoigne-t-elle auprès de l'AFP.
Courses annulées ou refusées, erreurs de trajet...
Engagée au sein de l'association APF France handicap, elle devait justement se rendre en octobre 2024 à une réunion au siège de la Région à Saint-Ouen au nord de Paris, pour discuter des nombreux problèmes rencontrés par les usagers du PAM. Mais, le jour J, alors qu'elle attend le chauffeur à son domicile dans l'Ouest parisien, il la prévient qu'il est "bien arrivé à Saint-Ouen", narre-t-elle, à une trentaine de kilomètres de chez elle. L'opérateur avait inversé la ville de départ et de destination de sa course.
Des usagers en pleurs
Ce couac n'est pas un cas isolé : plusieurs de ses courses ont été annulées, parfois au dernier moment, ou refusées. "Je n'ai même pas pu aller à l'enterrement d'une amie proche en décembre", déplore Liliane Morellec. Référente dans son association, elle reçoit de nombreux appels d'usagers "parfois en pleurs", de plus en plus isolés. "Le PAM est devenu une catastrophe", s'émeut-elle, alors que c'est une filiale de Keolis, acteur important des transports en région parisienne et détenu à 70 % par la SNCF, qui s'occupe dorénavant des réservations.
Placement sur liste d'attente, horaires décalés...
Destiné aux personnes avec un taux d'invalidité d'au moins 80 %, le PAM est censé permettre de réserver une course au moins 24 heures à l'avance dans un véhicule collectif adapté. Près de 10 000 personnes ont utilisé ce service en décembre. Mais, outre les annulations, l'horaire des courses est parfois décalé inopinément. "Des personnes avec un handicap cognitif ont été laissées sur le trottoir devant leur centre d'accueil une demi-heure avant l'ouverture. Ce ne sont pas des paquets qu'on transporte !", s'indigne Liliane Morellec.
"Un retour en arrière catastrophique"
Encore plus récurrent : le placement répété sur liste d'attente, qui oblige à multiplier les appels pour confirmer sa course. "J'y passe parfois la journée", regrette-t-elle. "Les Jeux paralympiques ont rappelé l'importance pour les personnes handicapées de faire du sport, d'avoir des loisirs ; mais certains ne peuvent plus se rendre à leurs activités, parfois même à leur travail. C'est un retour en arrière catastrophique."
Une régionalisation qui cause des problèmes de gestion
Ces problèmes sont apparus avec le changement d'organisation initié par la Région. Jusqu'au printemps 2023, chaque département ou presque avait son propre service, numéro de téléphone, grille tarifaire, avec des opérateurs différents derrière. La Région a alors souhaité les unifier, un processus aujourd'hui presque achevé. Cela a permis une tarification unique, à bas coût : 2 euros pour une course de moins de 15 kilomètres, contre plus de 8 euros dans certains départements auparavant. Mais cette régionalisation a obligé à ne garder qu'un seul opérateur pour la gestion des réservations et de la facturation. L'intégration des différents services départementaux "a pris du temps et a créé quelques grains de sable", concède à l'AFP Kisio, la filiale de Kéolis, admettant des problèmes de gestion des réservations et relations clients.
Kisio prié d'atteindre ses objectifs contractuels
Les collectivités ont tiré le signal d'alarme dès novembre 2023. Fin octobre 2024, Ile-de-France Mobilités, qui réunit la région et les départements franciliens, a mis en demeure Kisio "d'atteindre ses objectifs contractuels", se réservant le droit de résilier le contrat pour faute. "C'est un dossier qu'on suit avec la plus grande attention", assure Pierre Deniziot, conseiller régional, délégué spécial au handicap. "40 millions d'euros ont été investis lors de la régionalisation, le PAM doit s'améliorer."
Plan d'action pour "regagner la confiance des usagers"
Kisio a depuis présenté un plan d'action pour "regagner la confiance des usagers" et renforcé son équipe administrative. L'entreprise revendique des améliorations en décembre sur la ponctualité ou les appels décrochés. Quand un appel sur cinq n'était pas décroché en octobre, presque tous l'ont été en décembre. Pareillement, le taux de refus est passé de 9 % en novembre à 7,7 % en décembre. "D'autres mesures atteindront leur pleine efficacité dans les semaines à venir", a précisé la filiale. Des progrès peu perceptibles pour les usagers, selon Mme Morellec.
Un accès aux transports en commun limité
Les usagers du PAM, dont l'invalidité dépasse 80 %, ont très peu accès aux autres modes de transport en commun. La voiture ou les taxis -pas nécessairement plus accessibles- sont souvent trop chers. Pour les personnes qui n'ont pas d'autres ressources, l'Allocation aux adultes handicapés (AAH) est au maximum de 1 016 euros.
© Cassandre Rogeret