Par Paul Ricard
Que sont les directives anticipées ?
Ce sont des instructions écrites permettant d'indiquer à l'avance ses volontés sur les décisions médicales à prendre au cas où on arrive en fin de vie et qu'on n'est plus capable de s'exprimer (accident, maladie grave...). Elles permettent de stipuler qu'on s'oppose à l'acharnement thérapeutique. Chaque personne majeure peut en rédiger, mais ce n'est pas une obligation. Si on est sous tutelle ou curatelle, on doit demander l'autorisation du juge ou du conseil de famille. "Nous devons tous remplir nos directives anticipées", qui "permettent aux équipes médicales de prendre en charge les patients en respectant leur volonté", a plaidé la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, mardi devant les parlementaires.
Quel est leur poids ?
Elles "s'imposent au médecin", selon la loi Claeys-Leonetti de 2016 sur la fin de vie, qui leur a donné plus d'importance. Depuis cette loi, les médecins sont obligés de les appliquer et elles priment sur tout le reste, y compris les témoignages des proches. Les médecins peuvent toutefois passer outre dans deux cas. D'une part, s'il y a une "urgence vitale" : le médecin peut alors s'affranchir des directives "pendant le temps nécessaire à une évaluation complète de la situation" du patient. Autre exception : si ces directives "apparaissent manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale" de leur auteur.
Combien de temps sont-elles valables, et peut-on changer d'avis ?
Elles sont valables indéfiniment, tant qu'elles n'ont pas été modifiées par leur auteur. Ce dernier peut les modifier ou les annuler n'importe quand.
Comment les formuler ?
Il doit s'agir d'un document écrit nommé "directives anticipées", daté et signé, avec les nom, prénom, date et lieu de naissance de l'auteur. Les directives peuvent être écrites sur papier libre ou en utilisant un formulaire. Un modèle est disponible sur le site du ministère de la Santé (en lien ci-dessous). De façon générale, ce modèle permet au signataire de dire s'il accepte ou refuse qu'on le "maintienne artificiellement en vie". Il est également possible d'entrer davantage dans le détail en indiquant si on est d'accord ou non pour subir des actes médicaux précis : réanimation cardiaque, assistance respiratoire, alimentation et hydratation artificielles, sédation profonde et continue jusqu'au décès... Cette sédation est prévue par la loi de 2016 pour endormir le patient jusqu'à sa mort en cas d'arrêt des traitements. Avant de rédiger des directives anticipées, on peut en parler à son médecin pour prendre conseil.
Où les conserver ?
Où l'on veut, pourvu qu'elles soient facilement accessibles et que l'entourage et les médecins sachent où les trouver. On peut par exemple les confier à un proche, à son docteur, les garder chez soi, et porter sur soi une indication sur le lieu où elles se trouvent. On peut aussi les enregistrer dans son dossier médical partagé (DMP, un carnet de santé numérique) si on en a ouvert un.
Les Français y ont-ils recours ?
Trop peu, déplorent les pouvoirs publics. Seuls 13% des plus de 50 ans ont rédigé des directives anticipées, selon un sondage commandé par le Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie (CNSPFV). En outre, 65% des sondés n'ont jamais abordé la question des directives anticipées avec leur famille, un ami ou un professionnel de santé. Dans un rapport sur la bioéthique publié l'an passé, le Conseil d'Etat avançait plusieurs explications à ce faible recours : "La méconnaissance du dispositif, la difficulté de se confronter à la question de la fin de vie ou encore l'absence d'interlocuteurs susceptibles d'aider à l'expression de choix tranchés sur des sujets techniques". A défaut de directives anticipées, on peut désigner une "personne de confiance" : si le patient n'est plus capable d'exprimer lui-même ses volontés aux médecins, c'est elle qui sera chargée de le faire en son nom.