L'art au service de l'inclusion des personnes avec une déficience intellectuelle ? C'est l'ambition de Mathieu Boudeulle, éducateur spécialisé à l'Esat (Etablissement et service d'aide par le travail) des Papillons blancs de Lille, à l'origine du projet Poésie locale. Cet atelier artistique collectif vise à favoriser la rencontre entre les personnes en situation de handicap mental « et ceux qui ne le sont pas ». Autre enjeu : permettre à un public, habituellement exclu de toute création littéraire, d'entrer dans un monde qui lui était jusqu'alors inconnu.
Ecriture, photo et arts plastiques
Depuis septembre 2018, onze habitants de Fives et Hellemmes, près de Lille, participent à ces ateliers pour aller à la rencontre de leur quartier. Parmi eux, la moitié travaillent à l'Esat des Papillons Blancs. Au programme ces prochains mois, des ateliers de toutes sortes : écriture, photo et arts plastiques. « Ces derniers serviront à illustrer les textes poétiques, explique Mathieu Boudeulle. L'utilisation de différents moyens de créations littéraires et graphiques permet de stimuler l'imagination et d'adapter les techniques et les exercices afin de laisser la possibilité à tous -même aux non-lecteurs et à ceux qui n'écrivent pas- de s'en saisir pour s'exprimer. »
Une expo à venir
Les créations devraient être exposées au début de l'été 2019 tandis qu'un recueil regroupant poèmes, illustrations et textes en FALC (facile à lire et à comprendre) sera bientôt édité. L'objectif est triple : développer les moyens d'expression et de communication, valoriser les personnes par leurs pratiques et favoriser leur inclusion. « Les ateliers me détendent, témoigne l'une des participantes. On sort du quotidien et cela nous donne des idées. Ces moments resteront gravés dans nos mémoires ». En parallèle, le groupe peut prendre part à des visites culturelles.
A la rencontre du quartier
La rencontre et l'entraide sont les clés de ce projet. « Cet atelier donne l'occasion d'aller à la rencontre de son quartier, du quartier voisin, de l'autre mais aussi de soi-même à travers l'expression et l'acquisition de nouvelles compétences », poursuit Mathieu. « On écoute les sons des voitures, ceux des oiseaux. On écrit et on se rencontre », résume l'un des travailleurs. Marion Subtil, habitante de Fives, était déjà intervenue à l'Esat pour des ateliers cuisine. Elle retrouve, non sans plaisir, certains travailleurs. « J'apprends à les écouter et suis souvent surprise par leur approche. Je suis parfois terre-à-terre, embourbée dans le quotidien et le réel ; eux réussissent à garder cette capacité à imaginer, à rêver ».
« Le projet a commencé en septembre 2018, nous en sommes aujourd'hui à la moitié à peu près », explique Mathieu Boudeulle. Et ce poète amateur n'en est pas à son coup d'essai. Un an plus tôt, il avait créé Art à Fives, autre projet basé sur la rencontre entre travailleurs de l'Esat et habitants du quartier. « De nombreux travailleurs ont besoin de s'exprimer, de prendre confiance et peuvent se saisir de l'art comme nouveau moyen de communiquer », conclut-il.