Quelle place pour le sport lors de la Conférence nationale du handicap du 26 avril 2023 ? Sur les 77 mesures, une seule sur ce thème. Malgré la présence de la ministre dédiée Amélie Oudéa-Castera à l'Elysée, ce volet semble relégué sur le banc de touche. Et pourtant, le constat est le suivant... Plus de quatre millions de personnes en situation de handicap de moins de 60 ans vivent en France ; si 70 % d'entre elles se disent intéressées par le sport, moins d'une sur deux (47 %) pratique une activité sportive régulière. Il suffisait donc d'attendre la deuxième mi-temps. Elle a eu lieu le 23 mai 2023 à l'occasion de la présentation d'une feuille de route consacrée au « développement de la pratique sportive des personnes en situation de handicap », à l'Institut national des jeunes aveugles, à Paris. Une action collective autour de la ministre des Sports et de Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée aux Personnes handicapées, qui a rassemblé tous les acteurs (associations d'élus, organismes du médico-social, mouvement sportif, etc.). But ou pas ?
En 4 grands axes
Ces travaux ont été nourris par plusieurs rapports (IGAS/IGESR, CESE) et par de nombreuses consultations menées depuis des mois, associant les secteurs médico-social et sportif. Un grand nombre de mesures avaient cependant déjà été annoncées. Elles seront suivies au sein de la Conférence permanente du parasport*, dont la première réunion se tiendra en octobre 2023. Que faut-il retenir de ces priorités en quatre axes ? Le gouvernement promet des « politiques publiques mieux éclairées et mieux évaluées », ainsi qu'une « pratique sportive mieux inscrite dans le projet de vie de la personne handicapée » et donc « plus diverse dans tous les lieux de vie » et, enfin, « une haute performance paralympique mieux accompagnée ».
Quelles mesures phares ?
« Le cadre de prise en charge de la Prestation de compensation du handicap (PCH) des prothèses sera amélioré, en particulier les lames de course » tandis que les MDPH intégreront la thématique « pratique sportive » au programme de formation des équipes d'évaluation de la PCH. Autre mesure : un surplus d'un million d'euros destiné à l'Agence nationale du sport (ANS) pour l'accessibilité des équipements sportifs. Alors que la pratique sportive des personnes en situation de handicap est assez méconnue statistiquement, et mal recensée, l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (Injep) sera chargé de mener une vaste enquête pour 2024. Le ministère des Sports fera de son côté un « plan d'évaluation » des fédérations délégataires des parasports, qui ont été transférés des fédérations handisport et sport adapté pour rejoindre les fédérations traditionnelles. Il produira également des « supports pédagogiques » à destination du secteur médico-social.
Du sport à tous les niveaux
Sur le modèle des 30 minutes par jour d'activité physique déployées dans les écoles primaires, les ministres évoquent pour 2024 un « fonds de soutien » confié aux Agences régionales de santé pour le déploiement des 30 minutes dans les établissements médico-sociaux accueillants des enfants (Lire : ESMS : 30 min de sport par jour pour les jeunes handicapés).
Faisant le point sur l'objectif de former 3 000 clubs para-accueillants d'ici 2024 avec la perspective des Jeux paralympiques en France, les ministres ont fait savoir que « plus de 700 clubs sportifs, partout sur le territoire, ont déjà validé leur participation au programme » (Lire : 3000 clubs inclusifs pour développer la pratique handisport).
Les subventions apportées aux organisateurs par la Délégation interministérielle aux grands événements sportifs (DIGES) seront conditionnées à l'organisation d'une démonstration ou d'une initiation para sportive durant l'événement. Enfin, la feuille de route prévoit de « féminiser et rajeunir la délégation parasportive française pour les Jeux paralympiques de Milan, Los Angeles et Brisbane », « avec un objectif de 40 % de femmes à Brisbane (2036), contre 26 % à Paris 2024 ».
« Avec ces premiers Jeux paralympiques de l'histoire, nous avons la responsabilité collective de saisir cet élan », affirme Amélie Oudéa-Castera tandis que Geneviève Darrieussecq « salue la mobilisation des acteurs pour que la promesse du sport pour tous se concrétise ».
Toutes les mesures en détail
1. Permettre un meilleur pilotage des politiques publiques
• L'Injep, service statistique ministériel en charge du sport, évaluera la pratique sportive dans le cadre de la grande enquête décennale menée par la Drees auprès des personnes en situation de handicap et dont les résultats seront publiés en 2024, et publiera en septembre 2023 une étude thématisée Sport et handicap rassemblant les connaissances sur ce sujet.
• Les fédérations sportives seront accompagnées juridiquement par le ministère des Sports (MSJOP) dans la mise en place de licences détaillant la discipline pratiquée, afin de mieux évaluer le niveau de développement des disciplines parasportives déléguées à chaque fédération.
• Après que le développement des paradisciplines ait été transféré des fédérations historiques (FF handisport, FF sport adapté) vers 26 fédérations dites « homologues », le MSJOP lancera en juin 2023 un plan d'évaluation de l'action des fédérations délégataires de paradisciplines afin d'objectiver la campagne de renouvellement des contrats de délégation prévue pour 2025.
2. Mieux inscrire la pratique sportive dans le projet de vie de la personne
• Le cadre de prise en charge de la PCH (prestation de compensation du handicap) des prothèses pour la pratique sportive sera amélioré, en particulier les lames de course.
• L'Agence nationale du sport (ANS) renforcera d'un million d'euros supplémentaires son enveloppe pour la mise en accessibilité des équipements sportifs.
• La base de données data-ES du MSJOP, qui recense les 31 000 équipements et espaces de pratique sera actualisée afin d'y rendre visibles les critères relatifs à l'accessibilité des équipements.
• Le Handiguide sera complété pour en faire une solution numérique centralisant l'ensemble des informations dédiées à l'accès à l'offre sportive pour les personnes en situation de handicap (Lire : Handiguide : quelle offre sportive en cas de handicap ?).
• Un audit technique des sites internet de 20 fédérations délégataires d'un parasport, basé sur le Référentiel général d'amélioration de l'accessibilité (RGAA), sera réalisé avant septembre 2023 par les étudiants de Télécom Paris Tech. Le MSJOP mobilisera un fonds d'accompagnement à la mise en accessibilité numérique des fédérations.
• Le MSJOP produira des supports pédagogiques sur la pratique sportive dédiés au monde médico-social.
• La Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) et l'association des directeurs des Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) intégreront la thématique « pratique sportive » au programme de formation des équipes d'accueil et d'évaluation de la PCH.
• Des temps d'échange au niveau départemental, réunissant tous les acteurs, seront organisées une à deux fois par an afin de renforcer le dialogue sur les territoires et de faire mieux connaître les initiatives existantes.
3. Diversifier la pratique dans tous les lieux de vie
• Un fonds de soutien aux projets sportifs des établissements et services médico-sociaux accueillant des jeunes sera confié en 2024 aux Agences régionales de santé, dans le cadre du soutien au déploiement des 30 minutes d'activités physiques quotidiennes dans les ESMS pour les 110 000 enfants qui y sont scolarisés.
• L'ANS renforcera de 500 000 € son soutien à l'action des fédérations pour la pratique parasportive via les contrats de développement.
4. Renforcer la haute performance paralympique
• Pour inscrire durablement la France dans le top 5 des pays médaillés, le CPSF et l'ANS lanceront un plan visant à féminiser et à rajeunir la délégation parasportive française pour les Jeux paralympiques de Los Angeles et Brisbane, avec un objectif de 40 % de femmes dans la délégation à Brisbane (2036), contre 26 % à Paris 2024.
• Le MSJOP renforcera la promotion et la diffusion de l'outil Réglo'sport, outil inclusif de signalement des violences sexistes et sexuelles dans le sport.
• Les subventions apportées aux organisateurs par la Délégation interministérielle aux grands événements sportifs (DIGES) seront conditionnées à l'organisation d'une démonstration ou d'une initiation para sportive durant l'événement.
• Une section « accessibilité » sera créé dans les dossiers de subvention DIGES, afin d'évaluer en amont de la décision de soutien les efforts déployés par l'organisateur.
• Le CNOSF a annoncé lors de l'atelier que plus de 25 % des compétitions diffusées sur Sport en France seront consacrées à des paradisciplines.
• La 3e édition de « Jouons ensemble », opération de l'ARCOM, aura lieu la semaine du 2 octobre 2023 (Lire : "Jouons ensemble" : plus de parasport dans les médias!). Son l'objectif est d'inciter les médias (télés et radios) à intégrer plus de retransmissions de parasport.
* Conférence permanente du parasport : instance co-présidée par les ministres des Sports et des Personnes handicapées et la présidente du Comité paralympique et sportif français, Marie-Amélie Le Fur