3964, c'est le nombre de publicités faisant référence au handicap « visible » recensées depuis 25 ans, soit 159 nouvelles créations par an en moyenne, moins d'1 % du marché global. Une goutte d'eau lorsqu'on sait que près de 20 % de Français seraient concernés. C'est ce qui ressort d'une étude Kantar réalisée pour le compte de COM-ENT (association des métiers de la communication) et rendue publique fin janvier 2022. Certes, la qualité des publicités sur le sujet a évolué depuis quatre décennies. Dans les années 1970-1980, afficher la différence est presque impensable. Les marques s'inscrivent soit dans une démarche de charité, avec des images désuètes censées susciter la pitié, soit dans une logique de « buzz » et de scandale. Et depuis ? « L'année 2021 semble marquer un tournant avec une présence et un engagement plus appuyés de la part de divers annonceurs issus de la grande consommation, de la distribution, de l'automobile ou encore du tourisme », observe l'étude.
Le sport en force
Même s'il reste beaucoup à faire, les messages ont évolué avec une volonté de déstigmatiser ; dans ces pubs qui se veulent « inclusives », les personnes en situation de handicap figurent comme des citoyens ou des consommateurs lambda, pour proposer un reflet plus fidèle de la société et des tendances actuelles (diversité ethnique, hommes à la barbe sexy...) Le sport, parce qu'il véhicule des valeurs fondamentales liées au corps mais aussi parce qu'il est à l'origine d'évènements médiatiques majeurs, participe à une démocratisation du sujet, surtout au moment des Jeux paralympiques (article en lien ci-dessous). Entre 2016 et 2021, le nombre d'annonces publicitaires dédiées a presque doublé, passant de 35 à 105. En 2021, Decathlon choisit de montrer ce lien fédérateur à travers un match mêlant personnes handicapées ou non. Même objectif du côté de Lacoste avec son court-métrage Le 9e couloir ; la marque au crocodile filme, grâce à une nouvelle prouesse technologique, le nageur paralympique Laurent Chardard face à huit nageurs valides en direct de Tokyo. Via le slogan, « Lacoste supporte une seule et même équipe de France », la marque entend briser les barrières. Quant à Toyota, partenaire des Jeux paralympiques, il met en scène systématiquement des para athlètes dans ses spots.
La mode aussi
La mode figure, elle aussi, parmi les bons élèves. Ellie Goldstein, une jeune femme trisomique de 21 ans est ainsi devenue l'égérie de Gucci en 2019 et squatte désormais les unes de magazines de mode. La marque américaine Tommy Hilfiger a également pris le parti de développer des produits par et pour les personnes en situation de handicap via une nouvelle ligne de vêtements inclusifs. Citons encore Biotherm qui a choisi le jeune nageur quadri-amputé Théo Curin comme image.
Le coup de pouce des influenceurs
Enfin, de nouveaux relais publicitaires ont émergé sur les réseaux sociaux. Les influenceurs se font le porte-voix de consommateurs handicapés connectés et contribuent à normaliser l'image du handicap associé à des marques de beauté ou de prêt-à-porter. Sur Instagram, certaines jeunes femmes s'affichent avec leur fauteuil roulant ou leur prothèse customisée. Et YouTube voit désormais fleurir de nouveaux tutos beauté délivrés par des influenceuses comme Kaitlyn Dubrow, amputée des quatre membres.
Handi-washing ou engagement sincère ?
La sensibilisation des marques en matière de handicap ne cesse donc de progresser. C'est un fait. Sont-elles pour autant vraiment sincères ? « Il est encore difficile de savoir si c'est par opportunisme ou pour transmettre de vraies valeurs, si c'est pour le buzz ou avec une volonté de faire bouger les mœurs », s'interroge Christophe Manceau, de la division media de Kantar. Car entre les discours inclusifs et la réalité, il n'y a qu'un pas... encore abyssal. Au même titre que l'écologie et son green-washing, le handicap serait-il victime d'un « handi-washing » ?