C'est un « bras d'honneur » à l'encontre des 7 % de Franciliens en situation de handicap. Le ton est donné. Dans un communiqué diffusé le 19 septembre 2025, dix élus départementaux franciliens, dont Céline Malaisé (présidente du groupe Gauche communiste, écologiste et citoyenne), dénoncent la suppression des subventions régionales aux Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), actée pour 2025 et 2026.
Si l'information a tardé à remonter, son impact, lui, sera immédiat. Associations et élus locaux craignent un coup dur pour les familles et des inégalités accrues entre les territoires.
Une aide cruciale pour limiter les restes à charge
Dans les faits, cette subvention servait à compléter le Fonds départemental de compensation du handicap (FDC). Piloté par chaque MDPH, il vise à limiter le reste à charge des personnes en situation de handicap pour l'achat d'un fauteuil roulant, l'adaptation d'un véhicule ou encore des travaux dans leur logement. Le FDC intervient en dernier recours, une fois toutes les autres aides mobilisées (Prestation de compensation du handicap, aides de la Sécurité sociale, etc.). Ce n'est pas un droit automatique : chaque département définit ses propres critères, plafonds et priorités.
250 000 euros versées aux 8 MDPH franciliennes en 2024
En 2024, les huit MDPH franciliennes recevaient chacune en moyenne 250 000 euros de la Région, soit un peu plus de deux millions d'euros par an au total. Une enveloppe qui peut sembler modeste à l'échelle des 4,5 milliards d'euros de budget régional, mais qui permettait, sur le terrain, de maintenir à flot des aides essentielles. Dans certains territoires, cette participation faisait toute la différence. En Seine-Saint-Denis, par exemple, 71 % des bénéficiaires du FDC n'avaient plus qu'un reste à charge de 6 euros.
Pour la Région, une décision « budgétairement contrainte »
Dans un communiqué diffusé le 24 septembre, la Région Île-de-France reconnaît avoir mis fin à cette aide « exceptionnelle », qu'elle versait de manière « totalement dérogatoire, en dehors de ses compétences » pour « aider à l'acquisition des fauteuils roulants ». Elle rappelle que le financement des MDPH relève exclusivement des départements, comme le prévoit la loi. « Aujourd'hui, la situation a changé. Depuis cette année, l'Assurance Maladie a décidé de prendre en charge l'intégralité du coût d'achat des fauteuils : l'aide régionale est donc devenue sans objet », explique-t-elle.
En parallèle, l'Île-de-France met en exergue « les confiscations de recettes qui ont été imposées par l'État à la Région en 2025 pour réduire ses propres déficits, à hauteur de 230 millions d'euros, ne nous permettant plus d'intervenir en dehors de nos domaines de compétence ». « Cette décision a été prise au moment des débats budgétaires à l'automne 2024 et notifiée aussitôt aux départements et MDPH », ajoute-t-elle.
D'autres priorités régionales mises en avant
Si la Région assume donc cette coupe, elle revendique un « engagement massif » en faveur des personnes handicapées. « Ce sont 150 millions d'euros qui sont investis de manière transversale sur le handicap en 2025, en progression constante depuis 2016 (c'était 100 millions en 2016). Sans compter tous les projets de mise en accessibilité des lycées pour lesquels nous investissons des centaines de millions supplémentaires », détaille-t-elle.
Elle cite notamment le financement du service PAM (Pour aider à la mobilité), à hauteur de 15 millions d'euros, pour réduire le prix du transport à celui d'un ticket de bus ; deux milliards d'euros investis pour la mise en accessibilité de 300 gares en partenariat avec l'État. La Région a également créé, en 2024, un budget participatif handicap doté d'un million d'euros par an pour soutenir les projets associatifs locaux d'accès à la culture, à la formation, au sport et à l'emploi des personnes en situation de handicap. Autres initiatives : une prime de 2 000 euros pour chaque personne en situation de handicap entrant dans une formation professionnelle de la région, des actions spécifiques pour les aidants et pour les structures accueillant des personnes autistes ou avec des troubles du neurodéveloppement.
Les départements sommés d'ajuster le tir
Pour les départements, cette annonce est tout sauf anodine. Nombre d'entre eux s'appuyaient sur cette subvention pour équilibrer le financement de leur FDC. Et, aujourd'hui, ils doivent réagir vite. La Seine-Saint-Denis, les Hauts-de-Seine, Paris… Plusieurs exécutifs ont déjà mis le sujet à l'ordre du jour. Sans renfort régional, certains envisagent de baisser les plafonds d'aide, d'en limiter l'accès, voire de geler certains dossiers jugés « moins urgents ». Une perspective qui fait redouter une hausse du reste à charge pour les familles, déjà confrontées à la hausse des prix et à la complexité des démarches.
Le débat sur la répartition des compétences relancé
Cette décision, bien qu'encadrée, relance le débat sur la répartition des compétences entre collectivités, et surtout sur la continuité de la solidarité. Certes, la Région n'est pas tenue de financer les MDPH mais, en se désengageant, elle bouscule un équilibre budgétaire fragile, et laisse les départements gérer seuls un volet essentiel de la politique du handicap.
Du côté des usagers, le sentiment d'incompréhension domine. Pourquoi couper une aide qui fonctionnait ? Pourquoi maintenant, sans concertation publique ? Et quel impact sur la qualité de vie ?
L'opposition appelle à un retour en arrière
Pour l'opposition, cette décision fait craindre un désengagement plus large : « Alors que Valérie Pécresse décrétait en 2024 le handicap comme 'grande cause régionale', nous lui demandons de revenir sur cette décision inique », plaident les signataires du communiqué de protestation. Mais la majorité régionale, elle, ne semble pas disposée à revoir sa copie.
Reste à savoir si les autres investissements engagés par la Région, comme le financement du service PAM ou le soutien aux solutions d'habitat inclusif, suffiront à combler le vide laissé dans les dispositifs locaux. Car si, comme l'assure la Région, « l'aide est devenue sans objet », elle reste, pour beaucoup, plus nécessaire que jamais.
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