C'est officiel, entériné, publié. Les entreprises assujetties à l'obligation d'emploi de travailleurs handicapés pourront désormais s'en acquitter partiellement « en passant des contrats de fournitures, de sous-traitance ou de prestations de services avec des travailleurs indépendants handicapés et en accueillant des personnes handicapées pour des périodes de mise en situation en milieu professionnel. » Le décret qui porte le numéro n°2016-60 a été publié le 28 janvier 2016 (en lien ci-dessous) ; il entre en vigueur le lendemain de sa publication.
Rappel du contexte !
Les entreprises et les fonctions publiques de 20 salariés et plus sont tenues par la loi du 11 février 2005 d'employer des personnes handicapées à hauteur de 6% de la totalité de leurs effectifs. Jusqu'à maintenant, pour remplir tout ou partie de cette obligation, elles disposaient de plusieurs solutions : embaucher un travailleur en CDD, en CDI, en intérim ou sous-traiter avec le secteur protégé et adapté (Esat et EA). Mais recourir à un TIH (Travailleur indépendant handicapé) n'était pas au programme. François Hollande s'était engagé à se pencher sur ce dossier lors de la Conférence nationale du handicap de décembre 2014. Parole respectée à la faveur de la « loi Macron pour libérer la croissance », publiée le 7 août 2015 au Journal Officiel.
Quel mode de calcul ?
L'article 272 de la loi Macron complète l'article L5212-6 du code du travail. Les contrats passés avec des travailleurs indépendants handicapés, exerçant à leur compte (consultant, expert financier...), bénéficieront d'un acquittement partiel (50%) de l'obligation d'emploi (comme c'est le cas déjà pour les entreprises du secteur adapté et protégé). « Une sorte de cote mal taillée, explique Didier Roche, président-fondateur de l'Uptih (Union professionnelle des travailleurs indépendants handicapés), qui a porté ce dossier depuis 2008 (interview complet en lien ci-dessous). Le législateur a veillé à ne prendre en compte que le temps « productif » par le jeu d'abattements pour certains types de TIH. Ce système a un caractère équitable ».
Et si le boss a des salariés « valides » ?
Qu'en sera-t-il des travailleurs indépendants qui emploient des salariés ? La part acquittée se calculera soit selon le nombre de salariés exerçant pour le compte de ces travailleurs indépendants, soit de façon forfaitaire. Les précisions sont désormais données dans le décret d'application publié le 28 janvier 2016. L'article R.5212-6 qui définit le mode de calcul peut sembler complexe : « Le quotient mentionné au premier alinéa est, le cas échéant, divisé par le nombre de salariés employés par le travailleur indépendant au prorata du temps de travail inscrit à leur contrat, dans la limite de la durée légale ou conventionnelle de travail.» Didier Roche poursuit : « C'est aussi normal qu'on ne comptabilise pas le temps de travail des employés « valides » ».
Les mises en situation professionnelle
Selon l'article 273, pour atteindre leur quota, les chefs d'entreprise pourront également accueillir des travailleurs en « période de mise en situation en milieu professionnel » pendant un mois. La personne ne sera pas employée par l'entreprise ni rémunérée. Elle conserve son statut antérieur de chômeur. Sur le taux de 6% d'obligation d'emploi, au maximum 2% pourront être assurés par ce dispositif. Si, du côté du ministère du Travail, on voit dans cette mesure une incitation pour les entreprises « à se tourner vers les personnes en situation de handicap et à dynamiser le parcours des travailleurs » afin qu'ils « trouvent la trajectoire de l'emploi durable », du côté de l'APF (Association des paralysés de France) on redoute un « véritable détricotage de l'obligation d'emploi en faveur des personnes handicapées, ces mesures permettant aux entreprises de ne pas avoir recours à l'embauche directe. »
Parcours de découverte jeunes
Enfin, les entreprises pourront s'acquitter de leurs obligations d'emploi grâce aux « parcours de découverte » (article complet en lien ci-dessous), mentionnés dans l'article 274, qui s'adressent aux jeunes scolarisés de moins de 16 ans, toujours dans la limite de 2%. Le syndicat FO craint que les chiffres de l'emploi des personnes handicapées en entreprise n'en soient « artificiellement gonflés ». Didier Roche se veut plus optimiste : « A chaque changement la peur, le protectionnisme, la crainte de l'avenir. Cette solution devra être éprouvée dans le temps. Les décrets sont sortis et nous en sommes satisfaits. Maintenant, il faut expérimenter ! ».
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