Par Laurence Benhamou
Arborant un ruban bleu sur le revers de sa veste, Emmanuel Macron s'exprimait à l'occasion de la Journée mondiale pour l'autisme, le 2 avril 2021, lors d'une visite à l'hôpital psychiatrique de Saint-Egrève (Isère) qui abrite un centre de dépistage pionnier et modèle. "Le premier combat à mes yeux est celui du repérage", a-t-il souligné, après avoir rencontré des parents qui plébiscitent ce centre gratuit et polyvalent où leur enfant est suivi trois demi-journées par semaine pendant deux ans.
63 centres de dépistage
"Mon fils Raphaël, 6 ans, revit ! Il a des amis, il commence à apprendre à lire et écrire", s'est écriée Céline qui s'inquiète que le suivi gratuit s'arrête au bout de deux ans. "Il faudra le prolonger", a souhaité le président. "On a vu des dizaines de médecins, pour des milliers d'euros, avant qu'enfin ici soit posé le diagnostic", a raconté avec émotion Pierre, père d'une fillette de 6 ans. Tous témoignent qu'en revanche, au Centre hospitalier de Grenoble, le délai de consultation en pédopsychiatrie est de 2 ans. Depuis 2018 et malgré le Covid, 63 centres du même type ont été mis en place, avec l'objectif d'en installer 100, un par département.
Un enfant sur 100
Doté de près de 400 millions d'euros, la 4e stratégie également dédiée à tous les troubles du neuro-développement (2018-2022) comprend quatre objectifs : agir plus précocement auprès des enfants, diversifier les modalités de scolarisation, soutenir l'approche scientifique et renforcer l'accompagnement des adultes. La France compte près de 700 000 personnes autistes et on estime que près d'un enfant sur cent naît avec un trouble du spectre autistique. Sous-diagnostic, problèmes de scolarisation, manque de solutions d'accueil, discriminations, difficultés d'insertion : la prise en charge de l'autisme demeure encore insuffisante, alertent régulièrement les associations.
Adultes, les oubliés
"Les adultes sont les grands oubliés" de cette stratégie, regrette la Fédération d'associations Unapei (article en lien ci-dessous). "Cette année particulièrement, à cause de la crise sanitaire, nous voulons rendre hommage à celles et ceux qui sont une fois de plus oubliés, en liste d'attente, en amendement Creton (des adultes maintenus à titre exceptionnel dans des institutions pour enfants à défaut de places pour les accueillir ailleurs), exilés en Belgique, ou pire, sans aucune solution", pointe aussi l'association Sésame autisme. Le chef de l'Etat a répondu en appelant à un "changement de paradigme". "Il faut gérer les plus âgés", qui sont 6 000 en établissements "Creton", a-t-il reconnu. "Tout cela plaide pour qu'on raisonne en parcours de soins tout au long de la vie et non plus en cases, a souligné M. Macron. Car à chaque fois qu'on change d'âge, on change de statut. Et pour certains où c'est très très dur, l'autisme lourd, il n'y a pas de cases. Notre système est trop un damier compliqué".
Et la psychiatrie ?
Le chef de l'Etat a promis en outre de relancer le "plan psychiatrie" qu'il avait évoqué avant l'épidémie, avec comme priorité de redonner de l'attractivité à la profession. "Sur la santé mentale, c'est un immense chantier sur lequel la France avait historiquement pris du retard. L'épidémie (du Covid-19) a ralenti sa mise en oeuvre mais elle l'a aussi rendu encore plus nécessaire et nous conduit à prendre des choix plus radicaux", a insisté le chef de l'Etat.
Interrogé sur les revendications de quelques dizaines de soignants qui manifestaient à l'entrée de l'hôpital contre le manque de moyens -78 lits fermés à Saint-Egrève depuis 2017-, il a par ailleurs défendu le Ségur de la Santé. "Pour ce qui est de l'hôpital et, plus largement, de notre système de santé, j'avais pris des décisions et annoncé une stratégie et je crois que l'épidémie a montré que cette stratégie était juste mais qu'elle n'était pas assez rapide et les investissements pas assez massifs", a-t-il déclaré, défendant un plan "sans précédent de huit milliards chaque année sur cinq ans".