Maladies rares : errance diagnostique, attente dévastatrice

3 millions de Français sont atteints d'une maladie rare et seule la moitié dispose d'un diagnostic précis, souvent après une errance de plus de 5 ans. Pour changer la donne, l'Institut Imagine mise sur la sensibilisation et la formation.

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Margot a 6 ans, dont 5 d'errance diagnostique. « Quand elle est née, j'ai tout de suite vu que quelque chose n'allait pas. Problèmes de succion, amimie, hypotonie... Je suis allée voir des tas de pédiatres pendant plusieurs mois. Toujours la même rengaine : 'Rien d'alarmant'. Et pourtant, cette intuition ne me quittait pas... Un instinct maternel 'en or' que les pédiatres ont pris pour un trouble émotionnel, ainsi que mes proches et même mon mari. A défaut d'avoir du soutien, j'ai reçu beaucoup de jugements. Je me punissais tous les jours d'avoir une petite fille malade, persuadée que c'était ma faute. L'errance diagnostique engendre incompréhension, solitude et mutisme. Au fil des mois, de nouveaux symptômes apparaissaient : absence de langage, problèmes moteurs... » Celui qui a brisé ce cercle infernal ? Le professeur Arold Munnich, président de la fondation Imagine. En amont de la journée internationale des maladies rares, l'Institut Imagine, centre de référence mondial situé au sein de l'hôpital Necker, à Paris, manifeste l'urgence de se doter de nouveaux moyens pour accélérer leur diagnostic.

Enjeu de santé publique

« Cela peut paraître contradictoire mais le jour où le Pr Munnich m'a annoncé que Margot était atteinte de l'hypotonie, ataxie et syndrome de retard du développement, une maladie poly-invalidante orpheline, ma première bataille s'est terminée, révèle Laurence Bergugnat (vidéo ci-contre). Plus personne ne pourra remettre ma parole en doute, les médecins seront obligés de la prendre en compte... C'est écrit noir sur blanc, Margot est malade. Aujourd'hui, grâce à ce diagnostic et à une prise en charge adaptée au sein d'Imagine, nous ne nous survivons plus, nous vivons pleinement. » Comme Margot, 3 millions de personnes sont atteintes d'une maladie rare en France. Mais seule la moitié dispose d'un diagnostic précis, et sa recherche dépasse cinq ans pour plus d'un quart d'entre eux (Enquête de l'alliance maladies rares, Erradiag, 2016). Un délai qui engendre une prise en charge insuffisamment adaptée pouvant avoir des répercussions irréversibles. « Malheureusement, cette attente ne débouche pas toujours sur un éclairage immédiat, elle peut également mener à une impasse », souligne le Professeur Stanislas Lyonnet, directeur de l'Institut Imagine. Il existe entre 7 000 et 9 000 maladies rares, dont 80 % d'origine génétique. 90 % des maladies génétiques n'ont pas encore de traitement curatif. Face à ces problématiques de santé publique, le défi est double : diagnostiquer et guérir.

Diagnostic salvateur

« Diagnostiquer une maladie, c'est identifier votre ennemi et permettre aux chercheurs de pouvoir un jour peut-être trouver le moyen de la guérir », plaide Laurence. « Depuis l'ouverture de l'Institut Imagine en 2007, nous avons doublé les capacités de diagnostic mais sommes encore loin du compte », admet le Pr Lyonnet. Son ambition : diagnostiquer 80 % des enfants atteints de maladies rares, contre environ 50 % aujourd'hui, et offrir l'accès à un traitement à 30 % d'entre eux. « On attribue beaucoup de pouvoir au test génétique mais la vérité c'est que les résultats sont extrêmement difficiles à comprendre même pour les plus savants d'entre nous. Plus on fait des tests génétiques performants, plus l'ADN est séquencé, plus les données produites sont nombreuses, plus l'interprétation est difficile, et non l'inverse. L'information est peut-être là mais sa détection devient difficile car elle est noyée, camouflée dans des dizaines de milliers de variants génétiques. » Selon lui, l'interprétation des données est le plus grand défi de la génétique. Pour le relever, l'Institut a notamment développé une « plateforme génomique » intégrant des équipements de pointe pour analyser les génomes –soit l'ensemble du matériel génétique d'un organisme– et identifier les variations liées aux maladies génétiques. Sa dernière acquisition : le NovaSeq 6 000, un séquenceur d'ADN à très haut débit qui réduirait « considérablement » le délai de diagnostic.

Journée de sensibilisation

Autre facteur essentiel pour permettre à chaque patient d'être bien orienté dans son parcours de soin : la sensibilisation des professionnels de santé et du grand public. Pour ces raisons, l'information et la formation font partie des missions prioritaires de l'Institut Imagine, « l'un des acteurs majeurs » du Plan national maladies rares du ministère des Solidarités et de la Santé. Ainsi, comme chaque année, lors de la journée internationale des maladies rares, le 29 février 2020, Imagine et l'hôpital Necker Enfants-malades AP-HP ouvrent leurs portes et proposent des conférences, animations, expositions, concerts et ateliers accessibles à tous (programme en lien ci-dessous). Au programme également : un speed-dating sur les métiers de la recherche. L'occasion de plonger au cœur de l'ADN et de son fonctionnement, de mieux comprendre les pathologies génétiques, leur origine et les progrès de la recherche.

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Cassandre Rogeret, journaliste Handicap.fr"
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